Entretien avec Ndella Paye, militante du collectif « Mamans toutes égales »
L’école interdite aux mamans...voilées
Plus de 10 ans après sa mise en application, la loi du 15 mars 2004 continue de faire parler d’elle et se répand au-delà de sa sphère de référence. Entretien avec N’della Paye du collectif « Mamans toutes égales » qui luttent contre l’exclusion des mères voilées des sorties scolaires.
Que pensez-vous de la loi du 15 mars 2004 sur l’interdiction des signes religieux à l’école ?
Pour nous, c’est elle qui a engendré toutes les discriminations qui sont à l’œuvre aujourd’hui dans l’Education, et surtout la légalisation de ces discriminations. Elle a diffusé l’idée que le voile devait être exclu de tous les espaces de la société française. Nous sommes pour son abrogation et nous soutenons les élèves qui subissent une chasse au sorcières, même quand elles ne mettent pas le foulard : mesure de la longueur de jupes, de la largeur des bandeaux dans les cheveux...
Comment est né le collectif « Mamans toutes égales » ?
C’est le réseau de militants du Collectif Ecole Pour TouTEs et des mamans de Montreuil qui ont lancé MTE. Nous étions un groupe de militants engagés contre la loi de 2004. À la fin de l’année 2011, lorsque Luc Chatel a commencé à envisager une législation visant les mères d’élèves, des parents d’élèves ont protesté. Quand la circulaire a été créée, on s’est mobilisé pour son abrogation, en nous concentrant sur cette lutte car nous n’avions pas la force de lutter contre l’islamophobie en général. Depuis, on soutient les mères d’élèves exclues des sorties scolaires.
La circulaire Chatel (2012), qui interdit aux mères voilées d’accompagner les sorties, est-elle un phénomène isolé ?
Avant même la circulaire, des chefs d’établissement se servaient de la loi de 2004 pour exclure des parents d’élèves des sorties scolaires, alors qu’elle ne concernait que les élèves. Cette circulaire s’inscrit dans le mouvement global d’islamophobie et d’exclusion des musulmans de la sphère publique. Par exemple, dans une école maternelle de Bagnolet, une mère est arrivée avec son enfant : on lui a dit qu’elle n’était plus autorisée à entrer dans l’école, qu’une autre personne amènerait l’enfant jusque dans la classe.
Imaginez le traumatisme pour l’enfant et ses parents ! Va-t-on se laisser piétiner comme ça longtemps ?
Quelles sont vos modes d’action ? Comment faites-vous le lien avec les autres organisations qui luttent contre l’islamophobie ?
Nous avons organisé plusieurs manifestations en particulier à Montreuil, où nous distribuons des tracts devant les établissements. Nous avons envoyé une lettre ouverte à chaque nouveau ministre de l’éducation nationale. La seule qui a répondu est l’actuelle ministre (Mme Vallaud-Belkacem). Nous avons aussi rencontré le DASEN de Bobigny, qui affirmait être contre les exclusions des parents des sorties scolaires, mais ne souhaitait pas l’écrire. Quand nous l’avons interpellé pour une médiation dans un établissement à Montreuil, il n’a jamais répondu. Du côté des autres organisations, le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France) fait partie du collectif. Par ailleurs des collectifs locaux se sont créés : « Sorties scolaires avec nous » au Blanc-Mesnil, « Toi plus Moi plus ma Maman » à Méru, « Ma maman l’école et moi » à Argenteuil.
Avez-vous des alliés au sein de l’institution scolaire ?
Non. Parfois, des dialogues ont eu lieu avec des chefs d’établissements ou des enseignants, mais cela reste à l’échelle individuelle.
Propos recueillis par le collectif des enseignants pour l’abrogation de la loi de 2004