Femen. Retour sur le salon des femmes musulmanes du Val d’Oise
Ne nous libérez pas, on s’en charge !
Blogueuse, membre fondatrice des Femmes dans la Mosquée, membre du Think tank different.
Voir en ligne : Grincement
L’affiche est rose, les conférenciers nombreux, les conférencières si peu. Et pourtant, le thème du week-end aussi est « rose ». Les réseaux de militantes musulmanes commencent à s’agiter, « qu’est-ce qu’on est encore en train de nous pondre ?! ». Et c’est à ce moment précis que débarquent les Femen.
Brandissant leurs seins blancs comme des muses blafardes de la liberté autoproclamées, elles mettent en premier plan les petites basanées de service, histoire de dire « On n’est pas racistes, même les orientales de la clique sont choquées. » Alors au front, elles ont envoyé les Fatmas et les Khadijas seins nus, comme une magnifique peinture orientaliste, symbolisant à la fois la libération de ces pauvres indigènes et leur adhésion à ces valeurs humanistes. Technique vieille comme la coloni… euh le monde ! Ah, ce sacré monsieur Humanisme, que n’a-t-on fait en son nom… . Au fond, elles sont les meilleures alliées de ces prêcheurs en les élevant au rang de martyrs. J’aimerais dire à ces femmes que non seulement leurs actions ne mènent à rien, mais qu’en plus, les conséquences de ce qu’elles font sont un réel coup de poignard dans le dos de celles et ceux qui essaient chaque jour, tant bien que mal, de faire bouger les lignes à l’intérieur même des communautés musulmanes. Et par-dessus-tout, nous aimerions leur dire ce que nous ne cessons de répéter depuis des années : NE NOUS LIBEREZ PAS, ON S’EN CHARGE !
Mais c’est alors que la presse française, avide de barbes et de moutons, ne se fait pas prier pour s’emparer de ce succulent dossier au couscous. Force est de constater que matière, il y avait. Tout ce tapage médiatique pour arriver à la conclusion inébranlable et sans équivoques : Le Musulman a un problème d’ordre psychiatrique avec le genre féminin, mais nous, médias de la République Française laïque et indivisible, serons là pour l’accompagner dans cette longue marche vers la gynéphilie, nous saurons l’épauler avec bienveillance et paternalisme, jusqu’à ce qu’il devienne assez civilisé pour rejoindre les bancs de notre gouvernement bien blanc et bien viril. Il aura alors peut-être l’honneur- qui sait ?- de faire partie des 74% d’hommes qui constituent le sénat.
Ceci étant dit.
C’est bon, on peut respirer un coup ? Le choc émotionnel est passé ?
Très bien.
Venons-en maintenant aux réactions épidermiques de ceux qui se sont fait les défenseurs effarouchés de cette grande cause. Dites-moi, quelle est cette auréole qui s’est soudainement dessinée au-dessus de cet événement ? Notre manichéisme nous a-t-il aveuglé au point d’approuver fièrement les dérapages des uns, car dénoncé par les autres ? Sommes-nous devenus incapables d’introspection, de critique et de revendication par simple principe de partisannerie primaire et de clan ? Entre l’injonction à se solidariser de l’événement, et ceux et celles qui distribuent sur les réseaux sociaux des attestations de fidélité ou de trahison à ce qu’ils appellent les membres de leur communauté, sommes-nous vraiment meilleurs que ceux que nous dénonçons ? Il est évident qu’entre soutenir un groupe de femmes racistes, sexistes, et aux idéologies vides ou un groupe d’imams aux propos universels dans leur sexisme, il n’y a pas à choisir.
Pour être tout à fait honnêtes, on ne peut pas dire que ces personnages d’autorité religieuse m’inspirent beaucoup, mais l’ingérence de ces folles de l’Islam coupe court à toute discussion et dénonciation entre musulmans. Le sexisme est-il un gros mot ou une honte inavouée ? Visiblement. Et aux grands discours sur l’Islam émancipateur sur lequel tout le monde est d’accord, s’opposent tristement les faits et les gestes de certaines figures minoritaires qui se revendiquent de cette même religion. Et évidemment, tout est au nom de Dieu, comme quand plus haut, tout était au nom de monsieur humanisme. Quand un événement, censé être axé sur les femmes et les sciences religieuses, n’a pour intervenantes qu’une chef cuisinière (loin de moi l’idée de dévaloriser cette vocation, mais disons que dans ce contexte précis, c’est le clou !) et une prédicatrice tandis que la majorité écrasante des intervenants sont des hommes, permettez-moi de m’indigner. Au nom de quoi, au juste, devrions-nous accepter cela ? Qu’est-ce qui, religieusement ou humainement parlant, nous forcerait à tolérer une telle situation ? Et là, il ne s’agit que de la forme, nous ne parlons même pas du discours tenu. Mais quels que soit le discours, éclairés ou non, il est honteux de voir l’effacement des femmes dans les dynamiques évènementielles et représentatives, il est indécent de les relayer à la sphère privée.
Et finalement, cela revient aux mêmes polémiques concernant la Grande Mosquée de Paris suite aux déplacements des femmes vers les sous-sols alors que l’espace ne manquait guère. Cette invisibilisation des femmes est d’une grande violence symbolique, alors même que l’on sait qu’elles sont les plus présentes et les plus actives sur le terrain des associations musulmanes. Le discours tenu par ces prédicateurs est un tout autre problème qui trouve deux réponses très simples et très claires. Soit, ces personnalités religieuses acceptent le débat et prêtent sérieusement et humblement l’oreille aux critiques, soit des mouvements, déjà en cours, se prendront en charge afin de créer des espaces d’expressions et d’échanges, sans eux. Des espaces ouverts et à l’écoute afin de libérer la parole que les uns et les autres veulent confisquer (toujours au nom d’un grand principe universel, évidemment) aux premières concernées : Les femmes de confession musulmane que l’on entend quasiment jamais. Dans tous les cas, nous refusons l’instrumentalisation, qu’importe le bord, et ferons tout notre possible pour passer de la parole à l’action, avec ou sans leur soutien.