Contre-attaque(s) https://contre-attaques.org/ Contre-attaque(s), site d'information, de décryptage et de mobilisation, notamment contre le racisme. fr SPIP - www.spip.net Contre-attaque(s) https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L144xH144/siteon0-d64b7.png https://contre-attaques.org/ 144 144 Violences à Villiers : les « fake news » du Ministère de l'Intérieur et du Parisien https://contre-attaques.org/magazine/article/violences-a https://contre-attaques.org/magazine/article/violences-a 2018-03-10T10:21:37Z text/html fr Sihame Assbague carousel Violences policières <p>T'as vu l'article du Parisien ?<br class='autobr' /> J'ai vu… c'est chaud, carrément ils ont remixé toute l'histoire.<br class='autobr' /> Ce jeudi soir, à la cité des Hautes-Noues, les « récits fantastiques » du quotidien régional étaient sur toutes les lèvres. En cause, un article publié plus tôt dans la journée et livrant une version pour le moins fallacieuse des incidents survenus la veille dans le quartier. Ainsi, d'après Le Parisien, dans la soirée du mercredi 7 mars, « une jeune femme de 25 ans a été touchée à la suite d'un jet de pierres au (...)</p> - <a href="https://contre-attaques.org/magazine/" rel="directory">Magazine</a> / <a href="https://contre-attaques.org/mot/carousel" rel="tag">carousel</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/violences" rel="tag">Violences policières</a> <img class='spip_logos' alt="" align="right" src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L150xH84/arton413-4ccf0.png" width='150' height='84' /> <div class='rss_chapo'><p><img src="https://contre-attaques.org/squelettes-dist/puce.gif" width="8" height="11" class="puce" alt="-" /> T'as vu l'article du Parisien ?<br /><img src="https://contre-attaques.org/squelettes-dist/puce.gif" width="8" height="11" class="puce" alt="-" /> J'ai vu… c'est chaud, carrément ils ont remixé toute l'histoire.</p></div> <div class='rss_texte'><p>Ce jeudi soir, à la cité des Hautes-Noues, les <i>« récits fantastiques »</i> du quotidien régional étaient sur toutes les lèvres. En cause, <a href="http://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/villiers-une-femme-blessee-pendant-les-violences-urbaines-08-03-2018-7597113.php" class='spip_out' rel='external'>un article publié plus tôt dans la journée</a> et livrant une version pour le moins fallacieuse des incidents survenus la veille dans le quartier. Ainsi, d'après <i>Le Parisien</i>, dans la soirée du mercredi 7 mars, <i>« une jeune femme de 25 ans a été touchée à la suite d'un jet de pierres au cours d'un affrontement entre jeunes et policiers »</i>. Un autre blessé est brièvement évoqué : <i>« il s'agit de l'un des jeunes impliqués dans les violences urbaines »</i>. Que s'est-il passé ?</p> <p>Le journal raconte que pour protéger l'un de leurs amis qui voulait échapper à un contrôle d'identité, <i>« une trentaine d'individus »</i> ont surgi <i>« d'un peu partout »</i>. <i>« À leur tête, un jeune bien connu des fonctionnaires »</i> nous dit <i>Le Parisien</i>, <i>« c'est lui qui harangue ses copains pour qu'ils se battent contre les policiers. »</i> En plein coeur de la cité, <i>« les pierres se mettent à voler sur les forces de l'ordre »</i>, écrit le journaliste Denis Courtine, puis des <i>« tirs de flash-ball éclatent »</i>. Pour disperser le regroupement, les policiers tirent également une grenade de désencerclement. C'est dans ce contexte <i>« très tendu » </i> que la jeune femme de 25 ans, habitante du quartier, aurait été touchée par un jet de pierres. Mais bon heureusement, des policiers viennent à son secours… du moins d'après ce que rapporte <i>Le Parisien</i> : <i>« alors que leurs véhicules sont visés par des projectiles, les forces de l'ordre réussissent à interpeller celui qui haranguait ses copains. Pendant ce temps, les autres policiers s'occupent de la jeune femme qui a été blessée. »</i> On notera, dans les lignes qui précèdent, la très subtile - mais perceptible - mise en scène héroïque offerte par le quotidien. Après tout, qui dit <i>« récit fantastique »</i> dit super-héros. Et super-vilains.</p> <p>Dans ce rôle, et pour reprendre les propos du seul habitant que <i>Le Parisien</i> a jugé opportun d'interviewer, <i>« un groupe d'adolescents qui fait un peu ce qu'il veut dans le quartier »</i>. D'un côté donc, ces <i>« jeunes de quartier »</i> qui auraient semé le désordre et blessé l'une de leurs voisines, de l'autre des policiers qui auraient tout fait pour rétablir l'ordre et protéger la jeune femme blessée.</p> <p>Le problème, c'est que d'après la victime et les habitants présents au moment des faits, ça ne s'est pas du tout passé comme ça. Les témoignages et images que nous avons recueillis sur place contredisent en tout point la version officielle relayée - non sans complaisance - par le Parisien. Sabrina, la jeune femme de 25 ans blessée ce soir-là, a été touchée par un tir de flash-ball, et non par des cailloux. Ce ne sont pas les policiers qui lui ont porté secours mais deux jeunes du quartier. Enfin, Adama, l'homme qui a été interpellé au cours de la soirée, n'a harangué personne et participé à aucun débordement. Alerté par des habitants du quartier, il était simplement venu s'enquérir de la situation et de l'état de sa fiancée…qui n'est autre que Sabrina.</p> <p><strong>Retour sur les faits.</strong></p> <p>Mercredi 7 mars, aux alentours de 20h00, des policiers veulent procéder à un « contrôle de routine » sur un habitant de la cité des Hautes-Noues, à Villiers-sur-Marne. Le jeune homme prend la fuite et se réfugie à proximité d'un hall où se trouvent plusieurs de ses amis. La patrouille part à sa poursuite. En voyant des policiers arriver vers eux, le groupe - composé principalement de mineurs vivant dans le quartier - se disperse ; ceux restés sur place sont visés par des tirs de flashball. Les policiers veulent les disperser. <i>« Quand on a vu que ça tirait, on est tous partis en courant, y avait plus personne »</i> raconte Michael*, 17 ans. Les adolescents laissent derrière eux une tablette prêtée par Boubou, l'un de leurs voisins, et une sono. <i>« On a fait le tour du quartier et quand on est revenu tout était cassé. Ils ont détruit la tablette et pris les baffles. »</i> Quand il découvre ça, Boubou, qui n'était pas là au moment des faits, part à la rencontre des policiers pour demander des explications. Il aperçoit la patrouille arriver, se dirige vers elle mais est visé par des tirs de flash-ball. La tension monte d'un cran dans la cité. Les adolescents et les policiers échangent des tirs : cailloux pour les uns, LBD et grenades dispersantes pour les autres.</p> <p>Sayed, un ancien habitant du quartier, arrive à ce moment : <i>« il devait être 20h50 quand je suis entré dans la cité. Je venais chercher ma femme et mes enfants chez ma mère. Là, je vois une voiture qui arrive en trombe, des policiers qui en sortent hyper rapidement. J'entends des cris, je vois des grenades voler, donc je m'arrête au niveau d'un sens interdit. » </i> Le professeur d'anglais ne peut pas aller plus loin, il doit attendre que la situation s'apaise. En face de lui, il aperçoit la Peugeot 207 bleue de Sabrina arriver à basse allure. La jeune commerciale de 25 ans rentrait chez elle après avoir déposé son fiancé à Noisiel. Encore en état de choc, elle nous a livré sa version des faits. <i>« J'ai déposé Adama et je suis rentrée. En arrivant ici, j'ai cherché une place pour me garer mais j'ai eu du mal à trouver. En avançant à un moment, sur ma gauche, j'ai vu beaucoup de fumée…j'ai pas fait attention et j'ai continué jusqu'au bout de la rue. Là, j'ai vu trois policiers de dos. Je me suis arrêtée un instant, puis au moment où j'ai redémarré, ils se sont retournés… ma vitre a explosé. Mon seul réflexe ça a été de mettre mes mains sur mon visage pour me protéger. J'ai ressenti une grosse douleur sur le côté gauche, j'ai commencé à pleurer, j'ai lâché le volant… »</i></p> <p><span class='spip_document_368 spip_documents spip_documents_center'> <img src='https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L500xH339/capture_d_e_cran_2018-03-10_a_12.15.50-f04e3.png' width='500' height='339' alt="" /></span></p> <p>La scène se déroule sous les yeux de Sayed. C'est le témoin clé de cette séquence. Il a une vision d'ensemble sur ce qu'il se passe : ils voient des jeunes qui courent de l'autre côté de la rue, la voiture de Sabrina en face de lui et les policiers à sa gauche. Il est formel, c'est un tir de flash-ball qui a brisé la vitre de la jeune femme et l'a touchée sur son flanc gauche. <i>« J'ai vu le policier dégainer son arme et la vitre exploser. On a entendu un gros coup. La voiture de Sabrina a avancé un peu puis s'est arrêtée. »</i> Interrogé sur la version officielle relayée par Le Parisien, et en particulier sur l'origine de la blessure de sa voisine, Sayed rétorque <i>« ça n'a aucun sens. Vu la disposition de chacun, le tir n'a pu venir que du côté des policiers. Ça veut dire que même si ça avait effectivement été un jet de pierres, il aurait été tiré par un flic. Mais j'ai vu le policier dégainer son arme et viser. »</i> Après l'utilisation du flah-ball, les policiers remontent dans leur voiture et <i>« disparaissent »</i>. Sabrina et Sayed racontent que ce sont deux jeunes du quartier qui sont venus porter secours à la jeune femme. Ils l'ont sortie de la voiture, l'ont assise par terre et lui ont prodigué les premiers soins. <i>« Je tremblais de fou, j'étais en état de choc et j'avais froid. Ils m'ont réconfortée et m'ont apporté des couvertures. »</i> Des voisins arrivent et viennent soutenir Sabrina. Parmi eux, Alexis Ali, un père de famille qui, ironie du sort, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=hVSbY9hC_G0" class='spip_out' rel='external'>a perdu l'usage d'un oeil en 1998</a>, suite à un tir de flashball. Dans la même cité. Dans la même ville. <i>« Il m'a longtemps tenu la main, il me disait de ne pas m'inquiéter, que tout irait bien. »</i></p> <p>De son côté, Sayed appelle les pompiers. Il est exactement 20h57. L'échange dure 3 min 49 : <i>« je leur ai expliqué la situation, je leur ai dit qu'un policier avait tiré… Ils m'ont demandé si j'était formel. J'ai répondu que oui. Ils m'ont posé des questions sur l'état de Sabrina et m'ont dit qu'ils envoyaient quelqu'un. »</i> À 21h03, il appelle Adama, le fiancé de Sabrina. Ce dernier a déjà été alerté par d'autres habitants du quartier, il lui répond donc <i>« je sais, je suis en route »</i>. Contrairement à ce que laisse sous-entendre <i>Le Parisien</i>, Adama n'était pas là au moment des échanges de projectiles entres les jeunes et la police. Il arrive de Noisiel vers 21h15 et se rend directement auprès de sa fiancée.</p> <p>Au même moment, les agents de la BAC réapparaissent avec des renforts, et notamment ce qui semble être une <i>« brigade anti-émeutes »</i>. Adama est remonté, il crie, il veut comprendre ce qu'il s'est passé. Il se dirige vers une voiture de la police nationale, tape sur la vitre, demande ce qu'ils ont fait à sa femme. Un habitant du quartier l'interpelle, lui indique que ce ne sont pas eux les responsables, mais le véhicule de la BAC située juste derrière. Adama tente d'aller vers eux mais il est visé par plusieurs tirs de flashball. Une balle lui fracture le poignet, il est alors immobilisé et interpellé par les forces l'ordre. Placé en garde à vue, il passera la nuit à l'hôpital Paul d'Egine. <i>« Ce qu'il a fait c'était un acte désespéré plus qu'autre chose »</i> raconte Sayed, <i>« à aucun moment il n'a frappé les policiers ou quoi que ce soit. Il était mains nus, le rapport de force n'était pas le même… Comme tout mari qui aurait vu sa femme allongée par terre, blessée, et en face de lui, la personne responsable de ça, il voulait juste demander des comptes. Et la seule réponse qu'on lui a apportée c'est des coups et une interpellation. Oui, il était énervé mais parce que leur gestion avait été complètement disproportionnée. » </i></p> <h3 class="spip">« Oui, c'est moi qui ai tiré… parce que je me faisais caillasser »</h3> <p>Après l'interpellation d'Adama, les policiers se dirigent désormais vers le groupe qui s'est formé autour de Sabrina. La mère de la jeune femme, son frère, des amis et des voisins sont descendus pour la soutenir. <i>« Il ne se passait absolument rien, il n'y avait ni jet de cailloux ni rien mais ils se sont remis à tirer pour nous disperser »</i> explique Sayed. Alexis Ali et lui tentent alors de raisonner les policiers, ils leur expliquent qu'une jeune femme est à terre et qu'ils attendent les secours. La pression redescend légèrement mais est toujours palpable. Un policier essaye d'approcher Sabrina mais la mère de la jeune femme l'en empêche. De même, lorsque les fonctionnaires commencent à examiner l'intérieur du véhicule touché par le flash-ball, ils sont bloqués par des habitants du quartier qui craignent que des éléments cruciaux disparaissent. <i>« Je regrette de ne pas avoir eu le réflexe de les filmer »</i> confie Sayed. Il aurait, en particulier, voulu capter l'aveu de l'agent de la BAC qui a, ce soir-là, reconnu être l'auteur du tir de flash-ball. Selon plusieurs témoignages, après qu'un jeune l'ait pointé du doigt en s'écriant <i>« c'est lui qui a tiré, je le reconnais »</i>, le fonctionnaire aurait déclaré<i> « oui, c'est moi qui ai tiré… parce que je me faisais caillasser »</i>. Que d'interrogations donc face à la version mise en avant par Le Parisien.</p> <p><span class='spip_document_367 spip_documents spip_documents_center'> <img src='https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L500xH772/dx1cm1xvwaa9bbt-9d47c.jpg' width='500' height='772' alt="" /></span></p> <p>Les pompiers sont arrivés entre 30 et 45 min après l'appel passé par Sayed. Ils ont rapidement pris Sabrina en charge et l'ont amenée à l'hôpital où elle a subi une série d'examens. Si elle ne gardera a priori aucune séquelle physique de cette soirée, la jeune femme était encore sous le choc des heures après les faits. <i>« Je n'ai pas réussi à dormir et là c'est impossible de retourner travailler. »</i> Encouragée par des proches, elle a saisi l'Inspection Générale de la Police Nationale. Elle avait rendez-vous ce vendredi 9 mars à l'Unité Médico-Judicaire du Val-de-Marne.</p> <p>Au moment de la rédaction de cet article, Adama lui était toujours en garde à vue. Entre temps, au moins deux autres personnes ont été interpellées, dont Boubou, le propriétaire de la tablette cassée. À la cité des Hautes-Noues, personne ne comprend ces interpellations. <i>« Le truc c'est qu'ils ont arrêté des gens qui n'ont rien à voir avec les jets de pierre…Déjà Adama et Boubou eux ils étaient même pas là, ils ont juste demandé des comptes »</i> renchérit Michael*.</p> <p>Cela aurait pris 2h au <i>Parisien</i> de se rendre dans le quartier, de rencontrer les jeunes, de demander les contacts des témoins, de la victime, de recouper les informations et de nous livrer un article moins fallacieux. 2h, c'est rien. Mais <i>Le Parisien</i> a préféré <i>« faire comme d'hab »</i>. Comme la très grande majorité de ses concurrents quand il s'agit de relater des histoires d'interventions policières dans des quartiers populaires. Malgré les innombrables irrégularités, mensonges et abus policiers révélés au fil des années, la version officielle - celle du Ministère de l'Intérieur donc - est systématiquement privilégiée et relayée, sans aucune contradiction. Les habitants des quartiers populaires - et en particulier les jeunes hommes non-blancs y vivant - sont eux systématiquement criminalisés. La figure d'Adama est, à ce titre, très parlante : on a fait de lui la tête pensante des émeutiers-jeteurs-de-cailloux alors qu'il est arrivé bien après les échanges de projectiles et qu'il cherchait simplement à obtenir des explications sur la blessure de sa fiancée.</p> <p>Adama, ses voisins et la cité des Hautes-Noues ne sont ni les premiers ni les derniers à subir des pratiques policières et une médiatisation à charge, avec les conséquences que cela a en termes de criminalisation effective, de renforcement de la défiance vis-à-vis du pouvoir et de représentations racistes et stéréotypées sur les habitants du quartier.<br class='autobr' />Emmanuel Macron, qui a fait de la lutte contre les « fake news » son cheval de bataille pourrait sans doute commencer par là ;)</p></div> Encore une personne gravement malade en voie d'expulsion https://contre-attaques.org/magazine/article/encore-une https://contre-attaques.org/magazine/article/encore-une 2018-01-26T20:50:32Z text/html fr Jerôme Martin carousel Racisme Actualités <p>Au mépris de la loi et de tout principe d'humanité, l'Etat s'apprête à expulser une personne gravement malade dans un pays où elle ne pourra pas recevoir les soins adéquats. Gérard Collomb et le préfet du 77 oseront-ils condamner cet homme à mort ?</p> - <a href="https://contre-attaques.org/magazine/" rel="directory">Magazine</a> / <a href="https://contre-attaques.org/mot/carousel" rel="tag">carousel</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/racisme" rel="tag">Racisme</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/actualite" rel="tag">Actualités</a> <img class='spip_logos' alt="" align="right" src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L150xH106/arton412-5f25f.jpg" width='150' height='106' /> <div class='rss_chapo'><p>Au mépris de la loi et de tout principe d'humanité, l'Etat s'apprête à expulser une personne gravement malade dans un pays où elle ne pourra pas recevoir les soins adéquats. Gérard Collomb et le préfet du 77 oseront-ils condamner cet homme à mort ?</p></div> <div class='rss_texte'><p>« Les associations de l'Observatoire du Droit à la Santé des Étrangers ont le regret de vous faire part de l'expulsion imminente de monsieur S. vers la Mali, par la préfecture de la Seine-et-Marne. Il est enfermé au centre de rétention du Mesnil-Amelot depuis le 26 décembre. Au Mali, il ne pourra pas bénéficier de la prise en charge médicale que nécessite son état de santé. Ses jours sont en danger. Les ministères de la santé et de l'intérieur ont été alertés : ils doivent stopper cette expulsion. »</p> <p>Tel est le message diffusé par les associations ce vendredi 26 janvier 2018 :</p> <blockquote class="twitter-tweet" data-lang="fr"><p lang="fr" dir="ltr">Faire part d'une expulsion qui pourrait coûter la vie à M. S., ressortissant malien gravement malade, actuellement en rétention administrative. Il risque d'être expulsé mardi prochain par <a href="https://twitter.com/Prefet77?ref_src=twsrc%5Etfw">@Prefet77</a> et <a href="https://twitter.com/gerardcollomb?ref_src=twsrc%5Etfw">@gerardcollomb</a> <a href="https://t.co/BsSwH5w4Wz">pic.twitter.com/BsSwH5w4Wz</a></p> <p>— La Cimade (@lacimade) <a href="https://twitter.com/lacimade/status/956890852269477888?ref_src=twsrc%5Etfw">26 janvier 2018</a></p> </blockquote> <script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8"></script> <p>Depuis 1997, suite à la mobilisation des associations, notamment dans la lutte contre le sida, la loi a rendu les étrangers vivant avec une pathologie grave inexpulsables. L'année suivante, une loi mettait en place un titre de séjour pour les personnes dans cette situation. Ce droit a toujours été malmené par les préfectures et les gouvernements. Il a été rogné (voir <a href="https://contre-attaques.org/magazine/article/la-lutte" class='spip_out'>cet article</a>) mais il devrait encore s'appliquer.</p> <p>Or, comme le rappelle les associations : « Monsieur S. n'est pas un cas isolé, depuis juin 2012, nos associations ont été informées de nombreuses situations similaires dont certaines ont conduit à l'expulsion. La mobilisation associative et citoyenne aura permis d'éviter que certaines de ces personnes ne soient renvoyées vers une mort certaine. »</p> <p>Plus de vingt ans après, alors que certain-e-s osent nier l'existence du racisme d'État, cautionnant ainsi ces condamnations à mort, cette intervention d'Act Up-Paris lors du Sidaction de 1996 n'a rien perdu de son actualité. Sûrement l'un des fameux « pays de merde » qu'évoquait Trump.</p> <iframe width="560" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/dWSpoG9e0Ow" frameborder="0" allow="autoplay; encrypted-media" allowfullscreen></iframe></div> La lutte contre le sida à l'épreuve du racisme d'État https://contre-attaques.org/magazine/article/la-lutte https://contre-attaques.org/magazine/article/la-lutte 2018-01-10T11:35:06Z text/html fr Jerôme Martin Ailleurs sur le Web carousel Racisme <p>Dans l'un des chapitres de son dernier rapport, l'association Aides témoigne des « mesures discriminatoires » que subissent les personnes migrantes vivant avec le VIH en matière d'accès aux soins.<br class='autobr' /> À l'occasion du 1er décembre, et de sa Journée mondiale de lutte contre le sida, l'association Aides publiait son troisième rapport sur les discriminations que rencontrent les personnes vivant avec le VIH. Elle y étudie non seulement les discriminations directement provoquées par le statut sérologique de la (...)</p> - <a href="https://contre-attaques.org/magazine/" rel="directory">Magazine</a> / <a href="https://contre-attaques.org/mot/ailleurs-sur-28" rel="tag">Ailleurs sur le Web</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/carousel" rel="tag">carousel</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/racisme" rel="tag">Racisme</a> <img class='spip_logos' alt="" align="right" src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L150xH96/arton411-62fa8.png" width='150' height='96' /> <div class='rss_chapo'><p>Dans l'un des chapitres de son dernier rapport, l'association Aides témoigne des <i>« mesures discriminatoires »</i> que subissent les personnes migrantes vivant avec le VIH en matière d'accès aux soins.</p></div> <div class='rss_texte'><p>À l'occasion du 1er décembre, et de sa Journée mondiale de lutte contre le sida, l'association Aides publiait <a href="http://www.aides.org/rapport-discriminations-2017" class='spip_out' rel='external'>son troisième rapport sur les discriminations</a> que rencontrent les personnes vivant avec le VIH. Elle y étudie non seulement les discriminations directement provoquées par le statut sérologique de la personne (refus de soins, refus d'assurance, par exemple), mais aussi les inégalités systémiques auxquelles les personnes sont confrontées. Des inégalités qui entravent la prévention, le dépistage et l'accès aux soins : homophobie, transphobie, sexisme, et bien sûr racisme.</p> <p>Sur son mur Facebook, Aides n'a pas hésité à parler de <i>« racisme d'État »</i> à propos de ces discriminations et à assumer l'expression dans les commentaires - alors même qu'un ministre a annoncé récemment porter plainte en diffamation contre le syndicat Sud Éducation pour avoir osé aborder ce concept scientifique dans un stage de formation.</p> <p><span class='spip_document_359 spip_documents spip_documents_center'> <img src='https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L500xH264/selection_804-db10c.png' width='500' height='264' alt="" /></span></p> <p>Si l'organisation ne reprend pas l'expression dans le rapport, elle propose dès l'introduction, une analyse politique : <i>« La discrimination constitue un phénomène multidimensionnel, à l'intersection de logiques politiques, juridiques et sociales. Il s'agit de s'attaquer aux multiples facteurs de vulnérabilité qui produisent des inégalités dans l'accès aux soins et à la prévention. Les politiques répressives, minutieusement analysées dans ce rapport, contribuent ainsi aux phénomènes de stigmatisation et aux pratiques discriminatoires. »</i> Il est donc bien question de discriminations structurelles : <i>« AIDES s'attache donc à mettre en évidence le caractère systémique de ces discriminations »</i>.</p> <p>Le chapitre trois est intitulé <a href="http://www.aides.org/sites/default/files/Aides/bloc_telechargement/AIDES_RAPPORT%20DISCRIMINATIONS_2017_Chapitre%203_malades%20e%CC%81trangers.pdf" class='spip_out' rel='external'><i>« Droit au séjour pour soins : les malades étrangers à l'épreuve de la police sanitaire »</i></a>. Une introduction épidémiologique rappelle que les migrants sont un groupe vulnérable face à l'épidémie. Un chiffre donne la mesure du poids des inégalités à caractère raciste dans notre système de santé, celui du retard du dépistage : <i>« En 2014, les découvertes de séropositivité à un stade avancé concernent 32 % des migrants-es (contre près de 21 % chez les personnes nées en France »</i>. Le dépistage est donc plus souvent plus tardif chez les migrants que chez les personnes nées en France. Les conséquences sont gravissimes : sur la santé des personnes (un dépistage tardif implique le développement d'une maladie grave signant le stade du sida, qu'on sait aujourd'hui endiguer avec un diagnostic précoce), mais aussi sur la santé publique (la dynamique de l'épidémie repose en grande partie sur sa face cachée, les personnes qui ignorent qu'elles vivent avec le virus).</p> <p>Le rapport s'attache aux malades sans-papiers en examinant plusieurs dispositifs qui leurs sont réservés : les Pass (permanences d'accès aux soins de santé), l'AME (Aide Médicale d'État, couverture distincte de la Sécurité sociale et de la couverture maladie dite universelle - CMU). Mais c'est surtout au droit à un titre de séjour pour soins que le rapport entend défendre.</p> <p>L'inexpulsabilité des personnes gravement malades a été mise en place par une loi de 1997, suite à une mobilisation associative de plusieurs années. On se souvient par exemple de l'intervention de Christophe Martet, président de l'époque d'Act Up-Paris, interpellant en 1996 un ministre sur le direct du Sidaction, le traitant d'assassin et qualifiant la France de <i>« pays de merde »</i> après avoir témoigné de l'imminente expulsion d'une femme malade du sida vers le Zaïre.</p> <iframe width="854" height="480" src="https://www.youtube.com/embed/dWSpoG9e0Ow" frameborder="0" gesture="media" allow="encrypted-media" allowfullscreen></iframe> <p>En 1998, la gauche plurielle accordait une loi ouvrant le droit à un titre de séjour pour soins et ne se contentant pas de la seule inexpulsabilité. Cette victoire militante allait sans cesse être contestée, sous Chirac, et surtout sous Sarkozy. Le dispositif se restreignit au fil des années (voir par exemple la campagne menée par les associations <a href="http://www.odse.eu.org/Un-mot-des-morts,73" class='spip_out' rel='external'><i>« Un mot des morts »</a></i> en 2011).</p> <p>Sous Hollande, le dispositif fut refondé par la loi du 7 mars 2016, qui n'est guère un progrès, regrette Aides. Entre une loi très imparfaite et des pratiques administratives très problématiques - le précédent ministère de l'intérieur, déjà alerté par l'association, s'en était alarmé sans qu'il n'améliore la situation, le droit au séjour pour soins est malmené.</p> <p>Cela commence avec le délai d'instruction. Plus de 45 % des premières demandes documentées par Aides prennent plus de six mois. Dans 9 % des cas, le demandeur a dû attendre plus d'un an. C'est d'autant plus grave que sur l'ensemble des demandes, 61 % n'ont fait l'objet d'un récepissé remis à la personne, pourtant prévu par la loi. C'est aussi le cas pour les personnes faisant une demande de renouvellement, qui, sans récepissé, se retrouve en rupture de droits.</p> <p>Quand la demande est honorée, les personnes bénéficient très souvent d'un titre précaire, l'autorisation provisoire de séjour, qui ne dure que quelques mois, n'ouvre pas le droit au travail ou à des prestations comme l'Allocation Adulte Handicapée. Cette délivrance irrégulière d'un titre précaire a été observée par Aides dans 72 % des cas.</p> <p>Se rajoutent les taxes à payer pour obtenir le titre auquel on a droit, et que la loi de 2016 a fait passer de 106 à 269 euros. Dans 88 % des cas, les personnes n'avaient pas les ressources nécessaires. Certaines d'entre elles peuvent passer par des dispositifs d'aide ad hoc créées par les associations (qui n'ont d'ailleurs pas de fonds illimités). Et les autres ?</p> <p>Au-delà des procédures irrégulières ou qui dysfonctionnent, c'est la logique de contrôle migratoire et de soupçon permanent de fraude qui l'emportent sur celle de droit et de santé : <i>« Cet objectif affiché de lutte contre la fraude aboutit à faire peser une suspicion systématique sur les demandeurs-ses. Le service médical de l'Ofii peut ainsi convoquer tous les primo-demandeurs-ses. Les personnes doivent alors se déplacer à leurs propres frais dans les délégations de l'Ofii [Office Français de l'immigration et de l'intégration, qui dépend du ministère de l'intérieur], qui peuvent se trouver dans un autre département que celui de leur résidence. Des personnes en instance de renouvellement sont également convoquées. »</i></p> <p>Avant la loi de 2016, les demandes étaient examinées par des médecins inspecteurs dépendant du ministère des Affaires sociales, sauf à Paris, où c'était le médecin de la préfecture qui s'en chargeait. Le transfert au service médical de l'OFII n'a pas été salué par les associations, c'est le moins qu'on puisse dire. Quatre mois après la mise en place du nouveau dispositif, les médecins de l'OFII émettaient deux avis négatifs contre les demandes de personnes vivant avec le VIH originaire d'Angola et de Guinée-Conakry.<i> « Ces avis ont été émis par les délégations territoriales de l'Ofii du Nord et d'Île-de-France au mépris des orientations générales du ministère de la Santé précitées. Ces pratiques sont d'autant plus sidérantes que pour la personne originaire de Guinée-Conakry, les médecins de l'ARS ont émis plusieurs avis favorables à son séjour depuis 2014. Et ce, ors même que leurs critères d'évaluation médicale sont bien plus stricts : ces derniers se réfèrent simplement à l'existence du traitement, et non à son bénéfice effectif au regard, par exemple, d'aspects financiers. Les ministères de l'Intérieur et de la Santé ont été saisis de ces situations par l'ODSE, mais à ce jour, ces personnes se trouvent toujours en situation irrégulières, exposées à une mesure de renvoi. »</i></p> <p>C'est-à-dire, très clairement, d'une menace de mort.</p> <p>Même quand l'avis médical est favorable, le préfet n'y est pas tenu. En 2015, avant la réforme, le ministère de l'Intérieur conseillait à la préfecture de Pyrénées-Orientales de s'affranchir des avis des médecins de santé publique et prononcer des refus à des personnes malades. Aides cite de nombreuses preuves d'une « contre-expertise » médicale par les préfectures pour argumenter des refus de droits et qui dépassent les seuls cas de VIH/sida.</p> <p>Les recours en cas de refus aboutissent à une ouverture de droit dans 25 % des cas. Ce taux, faible au regard des situations révèle selon Aides : <i>« une dénégation de la parole médicale dès lors que celle-ci est en faveur du-de la malade étranger-e : entre des certificats médicaux et un avis médical prévu par la procédure, les tribunaux administratifs accordent davantage de considération à des pièces produites par le ministère de l'Intérieur. »</i></p> <p><i>« Surtout,</i> complète l'association, <i>ces jugements révèlent l'effet perfide de ces contre-enquêtes, qui dénient le droit au secret médical du-de la malade étranger-e. Dans l'ensemble des 17 cas pour lesquels les personnes ont souhaité garder le secret médical, et s'en tenir à l'avis médical de l'ARS qui leur était favorable, les tribunaux ont donné raison aux préfectures. »</i></p></div> Les 7 choses à savoir sur (la vraie) Pocahontas https://contre-attaques.org/magazine/article/les-7-choses-a https://contre-attaques.org/magazine/article/les-7-choses-a 2017-12-07T09:04:55Z text/html fr Sihame Assbague carousel Actualités États-Unis Pocahontas <p>« Ils l'appellent Pocahontas. » Il y a quelques jours, Donald Trump provoquait un vif tollé aux États-Unis en évoquant le surnom donné par les Républicains à Elizabeth Warren, une sénatrice démocrate qui revendique une filiation Cherokee. Et d'ajouter : « C'est l'une des personnes les moins productives du Sénat, on ne l'appelle pas Pocahontas sans raison. »<br class='autobr' /> Ces remarques, Trump a cru bon de les faire devant d'anciens « code talkers » Navajos, des soldats indigènes qui ont utilisé leur langue pour déjouer la (...)</p> - <a href="https://contre-attaques.org/magazine/" rel="directory">Magazine</a> / <a href="https://contre-attaques.org/mot/carousel" rel="tag">carousel</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/actualite" rel="tag">Actualités</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/etats-unis" rel="tag">États-Unis</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/pocahontas" rel="tag">Pocahontas</a> <img class='spip_logos' alt="" align="right" src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L150xH85/arton407-a81a6.png" width='150' height='85' /> <div class='rss_chapo'><p><i>« Ils l'appellent Pocahontas. » </i>Il y a quelques jours, Donald Trump provoquait un vif tollé aux États-Unis en évoquant le surnom donné par les Républicains à Elizabeth Warren, une sénatrice démocrate qui revendique une filiation Cherokee. Et d'ajouter : <i>« C'est l'une des personnes les moins productives du Sénat, on ne l'appelle pas Pocahontas sans raison. »</i></p></div> <div class='rss_texte'><p>Ces remarques, Trump a cru bon de les faire devant d'anciens « code talkers » Navajos, des soldats indigènes qui ont utilisé leur langue pour déjouer la surveillance ennemie durant la Seconde Guerre mondiale. Le Président était censé leur rendre hommage...</p> <p>Les réactions indignées ne se sont pas fait attendre. À l'instar de <a href="http://www.naja.com/news/m.blog/509/naja-denounces-white-house-s-use-of-pocahontas-as-slur" class='spip_out' rel='external'>l'Association des Journalistes Natifs Américains</a>, par exemple, de nombreuses organisations et personnalités ont rappelé que <i>« lorsqu'un Président utilise le nom de Pocahontas de manière péjorative, comme une insulte, cela relève de l'injure raciale. »</i> De son côté, <a href="https://twitter.com/RuthHHopkins/status/935351475273859072" class='spip_out' rel='external'>le Conseil de la Nation Navajo a fustigé</a> un <i>« commentaire raciste »</i> qui illustre le <i>« mépris systémique et profond à l'égard des Natifs Américains »</i>, de leurs cultures et de leurs modes de vie.</p> <p>Pour comprendre l'émotion suscitée par l'allusion pour le moins irrespectueuse à <i>« Pocahontas »</i>, il faut revenir sur l'histoire de cette figure indigène particulièrement importante pour les Natifs Américains. Car oui, au cas où vous en doutiez, Pocahontas a vraiment existé, et spoiler : Disney nous a tous bernés. Pour Ruth Hopkins, journaliste et activiste Sioux, que nous avons interrogée pour cet article, le géant du film d'animation a <i>« produit une version édulcorée, romancée, blanchie et inexacte de l'histoire de Pocahontas. »</i> Alors qui était-elle ? Pourquoi est-elle si emblématique ? Voici les 8 choses que vous devez absolument savoir sur (la vraie) Pocahontas.</p> <p><strong>1. Bon déjà, elle ne s'appelait pas vraiment Pocahontas</strong><br class='autobr' />Comme ça, c'est réglé. Son vrai nom était <strong>Matoaka</strong>. Elle est née à la fin du 16e siècle, dans une région que l'on appelait alors Tsenacomaca (côte Est des États-Unis). Son père, Wahunsenaca, un grand guerrier de la tribu Pamunkey, était le chef des Powathans, une confédération de tribus Natives Américaines. Très tôt, il a surnommé sa fille « Pocahontas », en hommage à sa femme décédée quelques temps après l'accouchement. D'autres sources expliquent que le surnom « Pocahontas », qui signifie "malicieuse", "joueuse", a été donné à Matoaka en raison de sa nature espiègle.</p> <p><strong>2. Elle n'avait pas plus de 11 ans quand les colons Anglais sont arrivés</strong><br class='autobr' />En mai 1607, une expédition de colons anglais accoste en Virginie ; elle est menée par le navigateur John Smith. Ce dernier va établir la première colonie britannique en plein coeur du territoire des Powathans. L'intrusion, la spoliation territoriale et la violence des anglais vont, au fil du temps, mener à une série de conflits opposant la puissance européenne à la confédération indigène dirigée par le père de Matoaka.<br class='autobr' />En décembre 1607, alors qu'il explore les terres de Tsenacomaca pour étendre la colonie anglaise, John Smith est capturé par l'un des jeunes frères du chef Wahunsenaca. C'est à ce moment qu'il rencontre la jeune Matoaka. D'après les sources orales de cette histoire, elle devait avoir entre 10 et 11 ans ; John Smith était lui âgé de 27 ans.</p> <p><span class='spip_document_358 spip_documents spip_documents_center'> <img src='https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L500xH413/kane-big_snake__chief_of_the_blackfoot_indians-2f7b0.jpg' width='500' height='413' alt="" /></span></p> <p><strong>3. Elle n'a pas eu de relation amoureuse avec John Smith</strong><br class='autobr' />Souvenez-vous, dans le célèbre film d'animation, John Smith rencontre Pocahontas dans la forêt. Après quelques échanges tendus autour des <i>« bienfaits de la colonisation »</i>, le charme opère et les préjugés disparaissent. Ah, la magie Disney ! Les deux tourtereaux - qui sont présentés comme ayant quasiment le même âge - essayent alors d'apaiser les tensions entre colons et autochtones. Mais la situation vire au drame et Pocahontas doit s'opposer à son père (et à sa tribu) pour sauver la peau de John Smith. <br class='autobr' />En réalité, il ne s'est absolument rien passé entre Matoaka et le navigateur anglais. Ni les registres des colons, ni les témoignages oraux des Powathans (qui ont été transmis de génération en génération), ni même les lettres et les livres écrits par John Smith ne mentionnent cette romance. En revanche, les avis divergent quant à la nature exacte de leur relation. D'après certaines sources, dont les propres confidences de John Smith, Pocahontas et lui étaient <i>« amis »</i>. Il est probable que la jeune fille ait très tôt, et jusqu'à sa mort, joué le rôle de traductrice et d'ambassadrice pour l'empire Powathan. Elle aurait également aidé Smith à maintes reprises, en lui apportant de la nourriture, en le sauvant de l'exécution planifiée par son père, et en le prévenant des plans fomentés contre lui par sa tribu. Ces thèses vont être remises en cause dès 1860, le navigateur anglais étant connu pour sa fâcheuse tendance à exagérer et à réinterpréter librement les faits. Pour le journaliste Vincent Schilling, l'un des contributeurs du magazine <a href="https://indiancountrymedianetwork.com/history/genealogy/true-story-pocahontas-historical-myths-versus-sad-reality/" class='spip_out' rel='external'>Indian Country Today</a>, il est difficile d'imaginer qu'une enfant de cet âge, qui plus est la fille du chef Powhatan, ait bravé tant d'interdits pour aller aider...le chef des colons. D'autant, dit-il, qu'à cette époque, Wahunsenaca et Smith s'étaient entendus pour faire <i>« alliance contre les Espagnols »</i>. Mais la violence des colons anglais aura raison de la relation entre les deux hommes...</p> <p><strong>4. Elle s'est mariée avec Kocoum, a eu un enfant...puis a été arrachée à sa famille.</strong><br class='autobr' />Kocoum, vous vous souvenez forcément de lui : c'est le jeune guerrier indigène que Disney nous a présenté comme un homme jaloux, arrogant et bestial. Dans le film d'animation, Pocahontas lui préfère John Smith. En réalité, c'est bien Kocoum qu'elle a épousé et avec lequel elle a eu son premier enfant. On dispose de très peu d'informations sur cette partie de sa vie. D'après Vincent Schilling, elle se serait mariée vers l'âge de 14 ans et aurait emménagé dans le village de Potowomac. Les noces auront été de courte durée. À peine deux ans plus tard, elle est enlevée par des colons anglais qui souhaitent l'échanger contre des prisonniers détenus par son père, le chef Powathan. Les négociations échouent et Pocahontas est emmenée de force dans une autre colonie. Kocoum est assassiné et leur fils abandonné à des membres de la famille.</p> <p><strong>5. Elle a été violée et forcée d'épouser John Rolfe</strong><br class='autobr' />Pendant plus d'un an, elle a été retenue en otage à Henricus, non loin de Jamestown. D'après Linwood Custalow, un historien de la tribu Mattaponi qui, en 2007, publiait "La vraie histoire de Pocahontas", la jeune femme a été violée durant sa captivité. À cette violence sexuelle s'ajoute la violence du déracinement : Pocahontas doit progressivement abandonner sa langue, sa culture, ses croyances et même son identité. On la force à adopter la langue, les vêtements, les manières et la religion des colons. Elle sera d'ailleurs baptisée et renommée "Rebecca". Il semblerait que ce soit John Rolfe, un homme d'affaires spécialisé dans la culture du tabac, qui ait particulièrement veillé à ce que Pocahontas embrasse les us et coutumes britanniques. Il voulait l'épouser et l'emmener en Angleterre ; ce qu'il a d'ailleurs fait en 1614. Pocahontas n'a pas eu le choix, ce mariage était la condition de sa libération. Si certains historiens ont défendu la thèse d'un amour réciproque entre Rolfe et Matoaka, chercheurs et auteurs Natifs Américains y voient plutôt une stratégie coloniale. Cette union est d'ailleurs la première de ce type à être enregistrée aux États-Unis. Elle arrive à un moment où les colons tentent de pacifier les relations avec les indigènes tout en continuant à faire la promotion de la colonisation en Europe.<br class='autobr' />En 1615, Pocahontas donnera naissance à un garçon : Thomas Rolfe. Elle succombera quelques années plus tard à une pneumonie ou, selon les sources, à la tuberculose.</p> <p><span class='spip_document_357 spip_documents spip_documents_center'> <img src='https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L500xH597/pocahontas-as-rebecca-rolfe.-photo-getty-images-44302.jpg' width='500' height='597' alt="" /></span></p> <p><strong>6. Elle a été utilisée pour promouvoir le colonialisme</strong><br class='autobr' />Après son mariage avec John Rolfe, Pocahontas va être utilisée comme <i>« une publicité vivante de la colonisation »</i> explique Ruth Hopkins. <i>« C'est l'une des premières Natives Américaines à être présentée aux Européens. Très tôt, ils ont commencé à l'utiliser comme une métaphore pour chacun d'entre nous...ce qui est hallucinant sachant que, rien qu'aux États-Unis, il y a plus de 566 Nations Indigènes et que chacune a sa propre histoire, sa propre langue, sa propre culture et un territoire spécifique. »</i><br class='autobr' />Au début du 17e siècle, les puissances européennes sont bien loin de se soucier de la diversité des Peuples Indigènes d'Amérique qu'ils considèrent comme des <i>« sauvages » </i> menaçant la sécurité des colonies. De rares voix s'élèvent contre les mauvais traitements infligés aux peuples autochtones. C'est pour rassurer les colons et les investisseurs que John Rolfe instrumentalise son mariage avec celle que l'on appelle désormais Rebecca. Malgré elle, et en dépit de ses protestations, elle devient à la fois le symbole d'une prétendue amitié entre les colons et les indigènes, et celui des<i>« bienfaits de la colonisation »</i>.</p> <p><strong>7. À cause de ce blanchiment de l'Histoire, les Natifs Américains ont mis du temps à se réapproprier la figure de Pocahontas</strong><br class='autobr' />Au fil des siècles, la véritable histoire de Matoaka a été effacée au profit du mythe de la belle femme indigène qui tombe amoureuse du colon blanc et qui favorise ainsi la réconciliation de deux mondes que tout oppose. Comme le souligne l'historienne Camilla Townsend, <a href="https://www.smithsonianmag.com/history/true-story-pocahontas-180962649/" class='spip_out' rel='external'>dans une interview accordée à Smithsonian</a>, c'est précisément pour cela que Pocahontas a été, et est encore, si populaire dans la culture dominante : <i>« Ce mythe nous flatte. Il repose sur l'idée que c'était une "bonne Indienne". Elle admire les Blancs, la chrétienté, veut faire la paix avec ces gens, préfère même vivre avec eux qu'avec sa propre communauté, et va jusqu'à épouser l'un d'eux au détriment des hommes de sa tribu. Tout ça permet aux Blancs de se sentir bien face à leur Histoire. »</i> Comme d'autres figures non-blanches érigées en modèles d'intégration, de pardon et d'ouverture, le personnage de Pocahontas a nourri la bonne conscience blanche autant qu'il a servi l'essentialisation et l'exotisation des Natifs Américains, et en particulier des femmes de ces communautés. <i>« Pocahontas était de la tribu Pamunkey. Moi, je suis descendante des Oceti Sakowin. Et pourtant, on m'a longtemps surnommée ainsi » </i> indique Ruth Hopkins. Et d'ajouter : <i>« en fait, le mythe a progressivement pris la forme d'une injure raciale avec des connotations misogynes. Aujourd'hui, l'hypersexualisation des femmes indigènes, qui a été alimentée par les colons au fur et à mesure des conquêtes, se retrouve dans des concepts tels que la "Pocahottie" - un costume très sexy censé représenter les Natives Américaines. »</i><br class='autobr' />L'altération et l'instrumentalisation de cette histoire n'ont évidemment pas été sans effet sur sa réception et son appropriation par une partie des Peuples Indigènes d'Amérique. Camilla Townsend explique ainsi que ce n'est que <i>« récemment que Pocahontas est devenue une figure populaire chez les Natifs Américains. »</i> Des recherches plus précises et une meilleure diffusion des sources orales de l'Histoire ont visiblement permis d'avoir une meilleure connaissance de sa vie, loin des mythes et des spoliations.<i> « On en sait beaucoup plus sur elle maintenant » </i> stipule l'historienne, <i>« c'était une jeune fille intrépide qui a fait tout ce qu'elle a pu pour résister et aider son peuple. C'est quand ils ont réalisé cela que de nombreux Natifs Américains ont logiquement gagné en intérêt pour son histoire. »</i></p> <p>Tenir les propos que Trump a tenus n'est donc pas anodin. L'histoire de Pocahontas, c'est celle de la colonisation européenne qui va décimer les tribus indigènes et leurs territoires, c'est celle d'une résistance à l'oppression et au blanchiment de l'Histoire, c'est celle enfin, d'une violence qui a pris d'autres formes au fil des siècles, mais qui persiste avec des répercussions brutales sur les vies de millions de Natifs Américains. <i>« De nombreuses tribus ont dû faire à une grande paupérisation, parce que les traités ont été rompus, leurs terres volées et leurs ressources pillées. Nous avons été contraints de nous installer dans des réserves situées dans des zones rurales avec peu ou prou de possibilités économiques. Par conséquent, nous sommes confrontés à des problématiques liées à la précarité : taux de chômage élevé, toxicomanie, et de nombreux suicides chez les jeunes qui se sentent souvent désespérés. À côté de ça, nous luttons encore pour protéger nos terres ancestrales contre l'empiètement du gouvernement et des entreprises » </i> conclue Ruth Hopkins.</p></div> Chasse aux militants antiracistes : jusqu'à quand ? https://contre-attaques.org/magazine/article/chasse-aux https://contre-attaques.org/magazine/article/chasse-aux 2017-12-06T11:45:00Z text/html fr Tribune collective Tribunes Politique Antiracisme carousel <p>Les offensives contre les forces de l'antiracisme politique ont gagné en intensité ces dernières semaines. Elles visent en particulier Houria Bouteldja et le Parti des Indigènes de la République. Plusieurs militants, collectifs et universitaires, appellent à ne pas céder et à prendre ces attaques pour ce qu'elles sont : les soubresauts de néo-conservateurs aux abois.<br class='autobr' /> Depuis quelques années déjà, les attaques contre les militants et organisations de l'antiracisme politique se multiplient, dans un silence (...)</p> - <a href="https://contre-attaques.org/magazine/" rel="directory">Magazine</a> / <a href="https://contre-attaques.org/mot/tribunes" rel="tag">Tribunes</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/politique" rel="tag">Politique</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/antiracisme" rel="tag">Antiracisme</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/carousel" rel="tag">carousel</a> <img class='spip_logos' alt="" align="right" src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L150xH84/arton410-88438.png" width='150' height='84' /> <div class='rss_chapo'><p>Les offensives contre les forces de l'antiracisme politique ont gagné en intensité ces dernières semaines. Elles visent en particulier Houria Bouteldja et le Parti des Indigènes de la République. Plusieurs militants, collectifs et universitaires, appellent à ne pas céder et à prendre ces attaques pour ce qu'elles sont : les soubresauts de néo-conservateurs aux abois.</p></div> <div class='rss_texte'><p>Depuis quelques années déjà, les attaques contre les militants et organisations de l'antiracisme politique se multiplient, dans un silence quasi général. De la diffamation à la censure, en passant par d'innombrables campagnes de criminalisation, nos opposants ne reculent devant rien pour tenter de museler nos voix.</p> <p>Ces derniers temps, comme un écho revanchard à nos avancées dans les sphères médiatique, politique et universitaire, et à la légitimité de nos luttes, les offensives se sont intensifiées. Leur violence aussi. Elles visent chacune des initiatives portées par celles et ceux qui osent produire des discours et des mobilisations échappant au contrôle de l'État et des associations antiracistes historiques.</p> <p>Il suffit de remonter le fil d'actualités de ces dernières semaines pour en prendre la mesure. À chaque fois que des collectifs, affiliés de près ou de loin à l'antiracisme décolonial, ont tenté de s'organiser autour d'un projet précis, des stratégies de sabotage ont été mises en place. Les responsables de ces basses manoeuvres sont connus : on les retrouve du Printemps Républicain à la « fachosphère », en passant par l'infâme « bande à Valls » et les réseaux laïcards. Avec de solides relais médiatiques et politiques, et le soutien actif d'organisations historiques telles que la Licra ou SOS Racisme, cette gauche identitaire et extrême-droite n'hésitent jamais à converger quand il s'agit de nous faire « rendre gorge ».</p> <p>Quand ils ne cherchent pas à faire interdire des événements organisés par des militants de l'antiracisme politique (Camp d'été décolonial, Festival Nyansapo, conférences diverses sur l'islamophobie…), ces réseaux s'attaquent à ses figures les plus médiatiques. À ce titre, le déferlement de haine et de calomnies qui s'est abattu sur Houria Bouteldja, la porte-parole du Parti des Indigènes de la République, sans qu'aucun média ne prenne le soin de lui donner la parole, est édifiant. Si les thèses du PIR sont débattues au sein même des mouvements décoloniaux, nous ne saurions tolérer que l'une de ses plus anciennes, courageuses et prolifiques militantes soit aussi violemment prise pour cible. D'autant que ces attaques dépassent largement le cadre de la critique politique. Ce que l'on a vu et lu ces dernières semaines, ces derniers mois, ces dernières années, ressemble davantage à une chasse à la femme arabe, menée d'ailleurs avec tous les moyens du pouvoir. On l'accable sans la lire, on parle d'elle sans l'écouter, on la combat sans débattre. Partout, tout le temps. Il a été acté - on ne sait plus trop par qui - que ses thèses étaient « dangereuses » et « racistes ». Bizarrement, elles ne le sont qu'en France. Partout ailleurs, elle est invitée à présenter et discuter son livre sans que les institutions des pays concernés ne se mettent à trembler...</p> <h3 class="spip">Créer l'ennemi et imposer la rupture </h3> <p>En réalité, on le sait, à travers Houria Bouteldja et le PIR, c'est tout l'antiracisme politique qui est visé - même si par ailleurs, ce dernier ne se résume pas à leur parti. Aussi, si les Indigènes de la République cristallisent les tensions et une bonne partie des attaques, aucune des organisations partageant tout ou partie de ces thèses n'est épargnée. Nous avons tous fait les frais, chacun à notre niveau et dans nos domaines respectifs, de ces cabales visant à étouffer une critique radicale de la colonialité du pouvoir et à freiner des projets d'émancipation.</p> <p>En réalité, on le sait, ce que l'on ne pardonne pas à ces militants c'est la mise en cause du système raciste à l'oeuvre dans nos sociétés, du traitement colonialiste et guerrier contre d'autres peuples et des politiques sionistes au dépend des droits inaliénables du peuple palestinien. Aussi, non seulement faut-il veiller à ce que ces critiques ne puissent s'exprimer nulle part (d'où les pressions successives pour faire annuler des interventions, conférences, couvertures médiatiques…) mais il faut aussi s'assurer qu'elles ne pénètrent pas les réseaux progressistes. C'est comme cela qu'il faut traduire la focalisation sur la députée Danièle Obono qui, en plus d'être une femme noire, porte un antiracisme qui tranche avec l'idéologie dominante. C'est comme cela qu'il faut traduire les injonctions faites à Mediapart, Sud Éducation et la France Insoumise - pour ne citer que les polémiques les plus récentes - de se désolidariser de l'antiracisme politique. Ces injonctions sont simplifiées par les campagnes de criminalisation menées tout au long de l'année contre les militants et organisations décoloniales. C'est effectivement plus simple de se « désolidariser » de ceux qui ont déjà publiquement été érigés au mieux en groupes « infréquentables », au pire en « ennemis de l'intérieur ».</p> <p>Nous refusons de céder à ces injonctions, et nous refusons de nous taire. Au-delà d'exprimer toute notre solidarité aux différents militants de l'antiracisme politique, nous enjoignons les forces progressistes à ne reculer sous aucun prétexte. Les débats politiques, absolument nécessaires et légitimes, ne doivent pas être réduits à néant par d'abjectes campagnes de marginalisation et de sabotage. Nous valons tous mieux que ça. Nous avons surtout urgemment besoin de mieux que ça.</p> <p><strong>Brigade Anti-Négrophobie<br class='autobr' />Bruxelles Panthères</strong><br class='autobr' /><strong>Sihame Assbague</strong>, journaliste, activiste.<br class='autobr' /><strong>Omar Benderra</strong>, militant associatif.<br class='autobr' /><strong>Hourya Bentouhami</strong>, philosophe, Université de Toulouse - Jean Jaurès<br class='autobr' /><strong>Amal Bentounsi</strong>, co-fondatrice du Collectif Urgence Notre Police Assassine<br class='autobr' /><strong>Nabil Berbour</strong>, militant associatif<br class='autobr' /><strong>Saïd Bouamama</strong>, sociologue, militant du Front Uni de l'Immigration et des Quartiers Populaires<br class='autobr' /><strong>Youcef Brakni</strong>, militant des quartiers populaires<br class='autobr' /><strong>Ismahane Chouder</strong>, membre du Collectif des Féministes pour l'Égalité<br class='autobr' /><strong>Ali El Baz</strong>, militant associatif<br class='autobr' /><strong>Nacira Guénif</strong>, sociologue, Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis<br class='autobr' /><strong>Marwan Muhammad</strong>, ancien directeur du CCIF<br class='autobr' /><strong>Saadane Sadgui</strong>, co-fondateur des JALB, <br class='autobr' /><strong>Nordine Saïdi</strong>, militant Décolonial, Bruxelles Panthères<br class='autobr' /><strong>Khadija Senhadji</strong>, militante antiraciste<br class='autobr' /><strong>Brahim Senhouci</strong>, chroniqueur et militant<br class='autobr' /><strong>Omar Slaouti</strong>, militant antiraciste <br class='autobr' /><strong>Maboula Soumahoro</strong>, fondatrice du Black History Month<br class='autobr' /><strong>Malik Tahar-Chaouch</strong>, Sociologue de l'Universidad Veracruzana, Mexique</p></div> Décès après une interpellation à Gare du Nord : que s'est-il passé ? https://contre-attaques.org/magazine/article/deces-apres https://contre-attaques.org/magazine/article/deces-apres 2017-11-17T20:20:56Z text/html fr Sihame Assbague carousel Actualités Violences policières <p>Massar D., la vingtaine à peine entamée, est mort le 22 novembre 2017 après 13 jours d'hospitalisation au service réanimation de Lariboisière. Ses proches, qui se sont relayés quasiment 24h/24 à son chevet et qui ont longtemps espéré un « miracle », accusent les policiers qui l'ont interpellé quelques jours plus tôt d'être « responsables » de son arrêt cardiaque. Que s'est-il passé ? Comment ce jeune sportif, à la « santé de fer », s'est-il retrouvé dans cet état à l'aube de ses 20 ans ?<br class='autobr' /> Les faits remontent au (...)</p> - <a href="https://contre-attaques.org/magazine/" rel="directory">Magazine</a> / <a href="https://contre-attaques.org/mot/carousel" rel="tag">carousel</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/actualite" rel="tag">Actualités</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/violences" rel="tag">Violences policières</a> <img class='spip_logos' alt="" align="right" src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L150xH84/arton406-10ca2.png" width='150' height='84' /> <div class='rss_chapo'><p>Massar D., la vingtaine à peine entamée, est mort le 22 novembre 2017 après 13 jours d'hospitalisation au service réanimation de Lariboisière. Ses proches, qui se sont relayés quasiment 24h/24 à son chevet et qui ont longtemps espéré un « miracle », accusent les policiers qui l'ont interpellé quelques jours plus tôt d'être <i>« responsables »</i> de son arrêt cardiaque. Que s'est-il passé ? Comment ce jeune sportif, à la « santé de fer », s'est-il retrouvé dans cet état à l'aube de ses 20 ans ?</p></div> <div class='rss_texte'><p>Les faits remontent au soir du jeudi 9 novembre 2017. Vers les coups de 21h00*, Massar D. est interpellé par plusieurs policiers en patrouille dans la Gare du Nord. D'après ses amis, qui l'ont quitté quelques minutes plus tôt et avec lesquels il a l'habitude de vadrouiller sur place, c'est un énième contrôle d'identité arbitraire qui va<i> « mal tourner »</i>. Ils racontent avoir passé le début de soirée avec lui, à échanger rires et punchlines à l'intérieur de la gare routière, puis s'être séparés. Selon son frère Souleymane**, Massar l'aurait alors appelé pour le prévenir qu'il allait manger un morceau avant de rentrer à la maison. C'est vraisemblablement le dernier coup de fil qu'il passera.</p> <p>C'est dans les instants qui suivent que Massar aurait été interpellé par les policiers dans des circonstances qui restent encore à préciser. D'après la version officielle, contestée par les proches, le jeune homme, qui est par ailleurs connu pour des faits de droit commun, aurait été surpris en train de vendre de la drogue. Paniqué, il aurait avalé les <i>« pochons de crack »</i> en sa possession et tenté d'échapper au contrôle de police. Les agents le rattrapent, se mettent à plusieurs sur lui pour le maintenir au sol et tentent de lui faire recracher les sachets. D'après Thibaut**, une source proche du dossier, la pression exercée sur sa cage thoracique et la violence avec laquelle on tente de lui faire expulser les pilules lui font rapidement manquer d'air. Asphyxié, Massar fait un arrêt cardiaque. Quand le Samu arrive, le jeune homme est dans le coma ; si l'intubation permet de faire repartir son coeur, Massar ne se réveille pas.</p> <p>L'hôpital Lariboisière se trouve à quelques pas de la Gare du Nord, Massar D. y est pris en charge par le service de réanimation. Il est en <i>« encéphalopathie post-anoxique »</i>, comprendre qu'il souffre de lésions cérébrales transitoires ou définitives causées par un défaut d'apport d'oxygène au cerveau. Les médecins entament alors une batterie d'analyses et d'examens pour déterminer la cause de l'arrêt cardiaque. D'après Thibault, les résultats de l'étude toxicologique permettent rapidement d'écarter les hypothèses liées à une présence de drogue dans le sang. Si Massar a bien recraché des sachets de <i>« pilules oranges »</i> durant son hospitalisation, aucune trace de drogue n'a été retrouvée dans son organisme. Rien, à part l'asphyxie, ne pourrait donc expliquer l'arrêt cardiaque du jeune homme. Reste à en identifier les mécanismes. Interrogé à ce sujet, le parquet de Paris a fait savoir qu'il attendait les résultats de l'enquête avant de se prononcer, tout en indiquant que « l'ingestion » des pochons pourrait être à l'origine de l'asphyxie. Pour les proches, c'est la <i>« violence »</i> de l'interpellation et la <i>« force » </i> des policiers qui, par un effet de compression des voies respiratoires, ont provoqué la suffocation. Les prochaines expertises devraient permettre de clarifier ces points.</p> <p>Si les proches de Massar n'ont appris son hospitalisation que dans la matinée du 11 novembre, des rumeurs faisant état de <i>« violences policières »</i> avaient commencé à circuler la veille. Oumar**, l'un des oncles du jeune homme, assure que plusieurs personnes l'ont contacté pour témoigner de la « violence et des coups » qu'auraient portés les policiers durant l'interpellation. Aux dernières nouvelles, les témoins devaient être dirigés vers l'IGPN afin d'éviter toute entrave au dossier. Directement saisie par la famille, la <i>« police des polices »</i> a en effet ouvert une enquête pour éclaircir les circonstances de l'interpellation. Idrissa**, qui s'occupe de toutes les démarches pour son neveu, s'est lui-même rendu à leur bureau le samedi 11 novembre après-midi : <i>« c'est mon avocat qui m'a dit d'aller les voir. Il m'a envoyé leur adresse, j'y suis allé et deux agents sont venus avec moi à l'hôpital pour faire leurs propres constats. »</i> Contactée, l'IGPN a indiqué qu'elle ne souhaitait pas faire de <i>« commentaire sur une affaire en cours d'instruction »</i>.</p> <p>Massar a passé son vingtième anniversaire sur un lit d'hôpital. Il avait prévu de fêter cette nouvelle année en participant au concert de Youssou N'dour à l'AccorHotels Arena de Paris. Il est arrivé en France il y a deux ans, après avoir vécu en Espagne et en avoir obtenu la nationalité. Ses parents, comme une grande partie de la famille, sont restés au Sénégal. Ils ont appris la nouvelle par téléphone.</p> <p>Une nouvelle d'autant plus choquante qu'il y a quelques années, l'un des oncles de Massar est mort dans le cadre d'une...interpellation policière en Italie où il avait migré. De l'aveu de ses plus proches, l'hospitalisation du jeune homme est venue raviver cette plaie encore béante. Dans les couloirs de l'hôpital Lariboisière, on sent bien qu'elle pose plus généralement la question des violences policières à l'encontre des hommes noirs, et en particulier des migrants noirs, en France et dans les pays voisins. Chaque personne rencontrée avait ainsi des dizaines d'exemples d'interpellations abusives et violentes à raconter.</p> <p>D'après ses amis, Massar en a lui-même été victime à plusieurs reprises. Quelques semaines avant ce drame, après un énième <i>« tabassage »</i>, Idrissa lui avait d'ailleurs conseillé de poursuivre les policiers en justice : <i>« il est rentré, on l'avait frappé et ils ont cassé son téléphone ; je lui ai dit "porte plainte, il ne faut pas laisser passer" ».</i> Dans des messages vocaux adressés par le jeune homme à un ami qu'il n'a pas pu rejoindre à cause de cette garde à vue, Massar explique : <i>« Ils m'ont tabassé. Mon visage est enflé. Mes pieds et mon dos me font mal, tout mon corps. Ils m'ont cassé mon téléphone et ont commencé à nous taper. Ils ont cassé tous nos téléphones. Ils m'ont pris mon argent. Ils m'ont tout pris. (...) Regarde comment ils ont abîmé le téléphone ces policiers. J'ai passé la nuit au commissariat, on vient juste de me libérer. On m'a tellement tabassé que j'ai mal partout. »</i></p> <p><span class='spip_document_356 spip_documents spip_documents_center'> <img src='https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L500xH889/22251092_546496035681459_1921301128_o-a42c1.jpg' width='500' height='889' alt="" /></span></p> <p>Jusqu'à la dernière minute, des sourates du Coran résonnaient dans la chambre de Massar qui se rêvait footballeur professionnel. <i>« On se dit qu'il est mort depuis le début et qu'ils ont tardé à nous le dire pour apaiser la situation... »</i> expliquait Oumar il y a peu.<br class='autobr' />Bien décidés à faire toute la lumière sur cette affaire et à aller <i>« au bout »</i>, les proches de Massar organisent un rassemblement le dimanche 3 décembre à 14h à Gare du Nord.</p> <hr class="spip" /> <p><img src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" /> Article mis à jour le 27 novembre à 10h00 -</p> <p>*L'heure est approximative. D'après nos informations, l'interpellation aurait eu lieu entre 21h00 et 23h00.<br class='autobr' />** Mis à part celui de la victime, tous les prénoms ont été modifiés.</p></div> Macron ou l'état d'exception permanent https://contre-attaques.org/agenda/article/macron-ou-l https://contre-attaques.org/agenda/article/macron-ou-l 2017-11-08T12:24:57Z text/html fr Tribune collective carousel Lutte contre l'Islamophobie <p>Comme chaque année en décembre, une quinzaine d'associations, de syndicats et de partis politiques organisent une journée internationale contre l'islamophobie. Nous publions ci-dessous l'appel à cette nouvelle édition qui se tiendra le dimanche 10 décembre, de 9h30 à 19h, à la bourse du travail de Saint-Denis.<br class='autobr' /> Destruction du Code du travail au pas de charge, baisse des APL, suppression des contrats aidés qui minent le fonctionnement d'institutions comme les écoles ou d'associations vitales dans les (...)</p> - <a href="https://contre-attaques.org/agenda/" rel="directory">Agenda</a> / <a href="https://contre-attaques.org/mot/carousel" rel="tag">carousel</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/lutte-contre-l" rel="tag">Lutte contre l'Islamophobie</a> <img class='spip_logos' alt="" align="right" src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L150xH84/arton405-40508.png" width='150' height='84' /> <div class='rss_chapo'><p>Comme chaque année en décembre, une quinzaine d'associations, de syndicats et de partis politiques organisent une journée internationale contre l'islamophobie. Nous publions ci-dessous l'appel à cette nouvelle édition qui se tiendra le dimanche 10 décembre, de 9h30 à 19h, à la bourse du travail de Saint-Denis.</p></div> <div class='rss_texte'><p>Destruction du Code du travail au pas de charge, baisse des APL, suppression des contrats aidés qui minent le fonctionnement d'institutions comme les écoles ou d'associations vitales dans les quartiers : depuis son élection le 8 mai 2017, la guerre sociale que mène Macron contre les classes populaires est sans merci. Comme l'est sa politique migratoire qui nie les droits fondamentaux des migrants, criminalise les actions de solidarité et renforce la xénophobie. Ce nouveau régime jupitérien n'est pas non plus une bonne nouvelle pour les citoyens de confession musulmane qui subissent racisme et islamophobie.</p> <p>Certes, le renvoi à leurs pénates des Le Pen, Fillon et autres Valls est un soulagement. Si le FN réalise un score de 33,9%, il est en crise. Pour l'instant. Et d'autres se chargent de faire prospérer son fonds de commerce. Les réseaux racistes et islamophobes, qui œuvraient au cœur de l'État avec Valls, se reconstituent. Depuis la rentrée, ils œuvrent tous azimuts avec une violence redoublée : pressions sur l'université pour censurer les colloques sur ces questions, cyber-harcèlement contre des associations de féministes musulmanes comme Lallab, campagnes de dénigrement et de diffamation ciblées qui tournent à la chasse à l'homme ou à la femme contre ceux qui luttent contre le racisme et l'islamophobie. Printemps républicain, bande à Valls, Comité laïcité et République, UFAL, <i>Causeur</i>, <i>Le Figaro</i>, <i>Marianne</i>, <i>Valeurs actuelles</i>, « fachosphère » : les campagnes coordonnées de ces réseaux hétéroclites ont un objectif, intimider pour réduire au silence les voix qui s'élèvent contre le racisme anti-musulman.</p> <p>Emmanuel Macron n'a certes pas instrumentalisé ces questions pendant la campagne. Mais au-delà de la « com' », quelle est sa politique ?</p> <p>- Au nom de la lutte contre le terrorisme, le 6 juillet, l'état d'urgence est reconduit. Pour la sixième fois depuis 22 mois. Inefficace contre le terrorisme, il a visé en priorité les citoyens de confession musulmane puis s'est étendu aux manifestations du mouvement social et à ses militants. <strong>Aucun pays européen confronté à des attentats n'a pris de telles dispositions attentatoires à l'État de droit.</strong> Entre fin 2015 et fin 2016, près de 4 200 perquisitions administratives ont eu lieu. Elles ont touché dans presque tous les cas des citoyens de confession musulmane ! Moins de 1% ont débouché sur des procédures judiciaires en lien avec le terrorisme.</p> <p>- La loi de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme votée le 11 octobre par l'Assemblée nationale transpose dans le droit commun les principales dispositions de l'état d'urgence. Dénoncée par la totalité des organisations de la société civile concernée par ces questions, par la CNCDH, par des experts de l'ONU, cette loi remet en question l'État de droit : <br class='autobr' />* <strong>les perquisitions renommées « visites domiciliaires »</strong>, les assignations à résidence « mesures individuelles de contrôle et de surveillance » pourront être effectuées sur la base de simples soupçons ; et l'exécutif a refusé l'intervention d'un juge judiciaire ;<br class='autobr' />*<strong> les préfets pourront ainsi instaurer des périmètres de sécurité</strong> d'un lieu ou d'un événement qui serait soumis à un risque d'acte terroriste. Palpations, inspections des bagages, fouilles des véhicules, saisies pourront être effectuées sur ce périmètre. C'est de fait la légalisation des abus qui est inscrite dans ces dispositions, les fouilles au corps par exemple étant déjà pratiquées sur les jeunes dans les quartiers populaires ;<br class='autobr' />* <strong>extension des contrôles d'identité massifs</strong>, jusqu'à 20 km autour des zones frontalières. Ils pourront être effectués pendant 12 heures d'affilée (6 heures jusqu'à présent), dans tous les points de passage de frontières, soit 29% du territoire et 67% de la population du pays. Quand on sait qu'un jeune Noir ou Arabe a vingt fois plus de risques d'être contrôlé qu'un autre (d'après le Défenseur des droits), cette disposition légalise de fait le contrôle au faciès. L'historien Patrick Weil dénonce <i>« un ciblage massif de populations particulières qui a un seul précédent : le Code de l'indigénat instauré en Algérie en 1881 »</i> ;<br class='autobr' />* <strong>les lieux de culte pourront être fermés par le préfet</strong> si <i>« les propos, […] les idées ou les théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent, provoquent à la commission d'actes de terrorisme […] »</i> Quelles idées ? Quelles théories ? Quelles activités ? Nul ne sait. Ce flou laisse à l'administration seule l'interprétation de cet article. Avec le risque de stigmatisation de tout signe de religiosité apparent vu comme un signe de supposée radicalisation.</p> <p>Les pouvoirs exorbitants accordés à la police fragiliseront encore plus les populations des quartiers populaires qui subissent déjà la précarité économique, contrôles au faciès incessants, crimes policiers, discriminations religieuses, ségrégation territoriale. La politique de Macron renforce toutes les inégalités sociales et les discriminations raciales. Et donc les rancœurs. <i>« Au lieu de créer du lien et de l'unité »</i> dénonce Patrick Weil, <i>« on crée de la division et un stigmate insensé. »</i> Précisément ce que recherchent les organisations terroristes comme Daesh.</p> <p>La gravité de la situation impose une riposte commune à cette politique dévastatrice. Le 10 décembre, venons massivement débattre et nous organiser !</p> <p><strong>PROGRAMME :</strong></p> <p>9h30-12h - <strong>Les lois antiterroristes sont-elles efficaces pour lutter contre le terrorisme ?</strong><br class='autobr' />Animation : Alima Boumediene-Thiery (Avocate) <br class='autobr' />a. <i>Le phénomène djihadiste, origines, histoire, actualité.</i><br class='autobr' />François Burgat (Politologue) - Alain Bertho (Professeur d'anthropologie)<br class='autobr' />b.<i> Quel est l'objectif de ces législations, notamment de la loi votée le 11 octobre "pour renforcer la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme" ?</i><br class='autobr' />Intervenants : Hassina Mechaï (Journaliste au Middle East Eye, Londres), Sihem Zine (Présidente de l'Action Droits des Musulmans), Houssam El Assimi (La Chapelle Debout), Lila Charef (Collectif Contre l'Islamophobie en France), Michel Tubiana (Ligue des Droits de l'Homme), Geneviève Garrigos (militante des droits humains).</p> <p>13h30-15h - <strong>L'offensive identitaire contre les libertés publiques. </strong><br class='autobr' />Animation : Michelle Guerci (journaliste) <br class='autobr' />Des attaques tous azimuts : pressions sur l'université pour interdire les colloques sur la thématique de l'islamophobie, cyber-harcèlement d'associations, campagnes de dénigrement et de diffamation ciblées qui tournent à la chasse à l'homme ou à la femme contre ceux qui luttent contre le racisme antimusulman, menaces de mort.<br class='autobr' />Intervenants : Ludivine Bantigny (MCF - université de Rouen), Olivier Le Cour Grandmaison (universitaire - politiste), Philippe Colin (université de Limoges), Nacira Guénif-Souilamas (universitaire Paris 8), Anaïs Florès (cercle des enseignant-e-s laïques - SUD Éducation 93), Texte d'Eric Fassin (sociologue).</p> <p>15h-16h30 - <strong>Pourquoi veut-on réduire les militants de l'antiracisme politique au silence ?</strong><br class='autobr' />Animation : Louisa Yousfi (journaliste)<br class='autobr' />Intervenants : Sihame Assbague (journaliste et activiste), Attika Trabelsi (Lallab), Emmeline Fagot (Union Juive Française pour la Paix UJFP), Franco Lollia (Brigade Anti Négrophobie) - Ismahane Chouder (Participation et Spiritualité Musulmanes) - Saïd Bouamama (Front Uni de l'Immigration et des Quartiers Populaires).</p> <p>16h45 - 17h30 - Deux ateliers :<br class='autobr' /><i>1. La lutte contre les discriminations au sein de l'entreprise et l'analyse des conséquences de la Loi Travail.</i><br class='autobr' />Animation : Commission Islam&Laïcité<br class='autobr' />Intervenants : Verveine Angeli (Solidaires), René Monzat (CIL).</p> <p><i>2. Stigmatisation des territoires : de Saint-Denis à Molenbeek.</i><br class='autobr' />Animation : AFD International<br class='autobr' />Intervenants : Madjid Messaoudene (élu de St-Denis), Khadija Senhadji (Anthropologue - Bruxelles), Ahmed El Khannouss (Député au Parlement bruxellois, 1er échevin à Molenbeek-St-Jean), Message de Patrice Leclerc (Maire de Gennevilliers).</p> <p>18h-19h - <strong>Perspectives.</strong><br class='autobr' />Marwan Muhammad (militant), Michèle Sibony (UJFP), Omar Slaouti (militant).</p> <p>Organisations, associations, collectifs, syndicats, partis signataires : AFD International - Association Commission « Islam et Laïcité » - ATMF - Bruxelles Panthère - Collectif Contre l'Islamophobie en France (CCIF) - CEDETIM/IPAM - Collectif des Musulmans de France (CMF) - Collectif des Féministes pour l'Égalité (CFPE) - Convergence Citoyenne Ivryenne (CCI) - Femmes plurielles - Fondation Frantz Fanon - Identité plurielle - International Jewish Anti-zionist Network (IJAN) - Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) - Oumma.com - Parti des Indigènes de la République (PIR) - Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM) - Sortir du colonialisme - Union Juive Française pour la Paix (UJFP)...</p></div> Praud, Rost et Evra : c'est pire que ce que vous pensiez https://contre-attaques.org/magazine/article/praud-rost-et https://contre-attaques.org/magazine/article/praud-rost-et 2017-11-07T19:07:59Z text/html fr Sihame Assbague carousel Analyses Médias Racisme <p>C'est une séquence extrêmement intéressante - du moins à analyser - que nous a offerte CNEWS ce vendredi 3 novembre 2017. L'inénarrable Pascal Praud, animateur du 20h foot, recevait Jacques Vendroux, directeur des sports de Radio France, Cyprien Cini, journaliste chez RTL, Fabien Onteniente, réalisateur, et Rost, artiste et militant, pour une émission dédiée aux “dérapages” de Patrice Evra.<br class='autobr' /> Après quelques minutes d'introduction et de rires, le débat s'ouvre. Rost, présenté dès le début comme « l'avocat (...)</p> - <a href="https://contre-attaques.org/magazine/" rel="directory">Magazine</a> / <a href="https://contre-attaques.org/mot/carousel" rel="tag">carousel</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/analyses" rel="tag">Analyses</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/medias" rel="tag">Médias</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/racisme" rel="tag">Racisme</a> <img class='spip_logos' alt="" align="right" src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L150xH84/arton404-03776.png" width='150' height='84' /> <div class='rss_chapo'><p>C'est une séquence extrêmement intéressante - du moins à analyser - que nous a offerte CNEWS ce vendredi 3 novembre 2017. L'inénarrable Pascal Praud, animateur du 20h foot, recevait Jacques Vendroux, directeur des sports de Radio France, Cyprien Cini, journaliste chez RTL, Fabien Onteniente, réalisateur, et Rost, artiste et militant, pour une <a href="http://www.cnews.fr/magazines/20h-foot/20h-foot-du-03112017-181227" class='spip_out' rel='external'>émission dédiée aux “dérapages” de Patrice Evra.</a></p></div> <div class='rss_texte'><iframe frameborder="0" width="480" height="270" src="//www.dailymotion.com/embed/video/x67kaj9" allowfullscreen=""></iframe> <p>Après quelques minutes d'introduction et de rires, le débat s'ouvre. Rost, présenté dès le début comme <i>« l'avocat de la défense »</i>, va tenter de contextualiser, sans forcément l'excuser, le coup de pied asséné par Evra à un supporter de l'Olympique de Marseille. Pour lui, cet accès de violence doit se lire, entre autres, à la lumière d'une carrière marquée par l'expérience quotidienne du racisme et des insultes négrophobes. Mais sur le plateau, l'artiste n'aura pas le temps de développer cette thèse. À peine le mot “raciste” est-il prononcé que Pascal Praud, censé incarner la neutralité, entre dans une colère noire - enfin <i>blanche,</i> pour le coup.</p> <p>Cet extrait a fait le tour du web et a été largement commenté par de nombreux internautes et journalistes qui se sont focalisés sur la partie la plus spectaculaire de la “disjonction” du présentateur. Pascal Praud a “<a href="http://www.gqmagazine.fr/pop-culture/news/videos/pascal-praud-a-t-il-completement-pete-les-plombs/32464" class='spip_out' rel='external'>pété les plombs</a>”, il a “<a href="http://www.lesinrocks.com/inrocks.tv/affaire-evra-pascal-praud-hurle-sur-un-chroniqueur/" class='spip_out' rel='external'>hurlé</a>”, a “<a href="http://www.20minutes.fr/sport/football/2163523-20171105-video-pascal-praud-agresse-chroniqueur-rost-question-racisme-affaire-evra" class='spip_out' rel='external'>agressé</a>” un chroniqueur qui voulait simplement évoquer un contexte raciste. Oui, tout à fait, et en plus d'être souligné, cela devrait être vivement dénoncé. Mais la séquence prise dans son intégralité nous offre la possibilité d'aller bien au-delà et de décrypter les mécanismes de résistance, des plus subtils aux plus grossiers, qui se mettent en place à chaque fois que la question raciale est abordée ; des mécanismes favorisés par un dispositif médiatique qui étouffe les voix minoritaires. Pour cette seule émission, nous en avons relevés 7 !</p> <p>7 réactions typiques que provoque toute tentative de discussion sur le sujet.</p> <h3 class="spip"> 1. « <i>Arrêtez de tout ramener au racisme, c'est obsessionnel chez vous.</i> »</h3> <p>C'est le<i> classico</i> des mécanismes de résistance et des techniques de silenciation ; partout, tout le temps, par tous ceux qui ne veulent pas ou ne sont pas prêts à entendre parler de racisme. Cette injonction relève tellement de l'idéologie dominante que si Pascal Praud ne l'avait pas exprimée en sortant de ses gonds, la séquence serait passée inaperçue. À ce titre, notons - non sans une certaine ironie - que parmi les personnes qui se sont indignées du comportement du présentateur de CNEWS, nombreuses sont celles qui sont pourtant habituées à réclamer qu'on évite de “sortir la carte du racisme à tout bout de champ”. <strong>Bien plus que le fond de l'affaire, c'est la forme de la “disjonction” qui a suscité l'indignation</strong>.</p> <p>Qu'est-ce que tout cela révèle ? D'abord, <strong>une incompréhension totale de ce qu'est le racisme et des effets qu'il produit.</strong> Pour Pascal Praud, ses acolytes, et une grande partie de leurs concitoyens, le racisme ne se conçoit que dans ses formes les plus bruyantes, visibles, brutales et interpersonnelles. Pour que cela soit un sujet, il faut qu'il y ait eu insulte, coup, agression ou discrimination manifeste mais surtout, que le caractère raciste soit clairement établi, de préférence par une figure d'autorité “neutre”, “objective” et “rationnelle” (par un homme blanc quoi). Or, évidemment, <a href="http://uneheuredepeine.blogspot.fr/2014/09/le-racisme-comme-systeme.html" class='spip_out' rel='external'>le racisme faisant système</a> et apparaissant sous des formes particulièrement insidieuses, il n'est pas toujours aisé de le déceler. Il se niche dans les recoins de l'école, au travail, dans l'accès à des opportunités et des services, dans le partage des ressources, les productions et représentations culturelles, le traitement médiatique, les relations amicales, professionnelles, intimes mais aussi celles avec les institutions et administrations.</p> <p><strong>De même que c'est le racisme, pas ceux qui le combattent, qui produit la race, c'est le racisme, pas ceux qui le dénoncent, qui se “ramène à tout bout de champ”</strong>. Il marque ses victimes, dans tous les sens du terme. Rost a tenté de parler de l'impact psychologique de ce marquage systémique et systématique. Il faut, en effet, imaginer ce que c'est que de subir des attaques racistes, et en l'occurrence négrophobes, visibles et invisibles, tout au long de sa vie. Et si Pascal Praud a le luxe de pouvoir considérer que c'est une contextualisation accessoire, pour des millions de personnes en France, c'est loin d'être le cas.</p> <p>Mais qu'importe, les hommes blancs autour de la table ont décidé que ce n'était pas le sujet. C'est l'autre versant de ce classico. L'injonction à ne pas “tout ramener au racisme” doit aussi être interprétée comme une invitation à ne pas sortir des cadres définis par (et pour) les bénéficiaires du système raciste. C'est un sujet “sensible” pour eux - l'adjectif est d'ailleurs utilisé à plusieurs reprises par Jacques Vendroux et Pascal Praud (ouais, je sais, le monde à l'envers) - il conviendrait donc de respecter les temps qu'ils aménagent pour en parler. Contrevenir à ses règles, c'est s'exposer à des accusations de “paranoïa”, de “racialisation” et/ou de communautarisme.</p> <h3 class="spip"> 2. « <i>Ton ami, Patrice Evra</i> »</h3> <p>Forcément, un homme noir qui parle d'un autre homme noir, qui plus est pour le défendre, c'est du communautarisme. Cette allusion prend deux formes différentes. À la 15e minute d'abord, sans que l'on comprenne bien pourquoi, Pascal Praud commence l'interrogation suivante : <i>« est-ce qu'il est possible d'arrêter que les communautés en France... »</i>. Nous n'en saurons pas davantage. Rost, à qui la question est adressée, l'interrompt et lui explique que ce n'est pas le sujet. Mais quelques secondes plus tard, Fabien Onteniente, qui a sûrement deviné l'orientation du propos, ne peut s'empêcher de le commenter : <i>« Pascal, faut pas que ça devienne un débat sur le communautarisme…vous avez saisi la balle au bond, doucement. »</i> Bah oui, doucement Pascal. Parce que demander à Rost, seul homme noir du plateau rappelons-le, de répondre des actions et revendications de toutes les communautés (de quelles communautés parlons-nous d'ailleurs ?) et de se justifier pour elles, <strong>ce n'est vraiment pas le meilleur moyen de faire disparaître les débats sur le racisme</strong>. Au contraire.</p> <p>La deuxième allusion à ce prétendu communautarisme, c'est à Jacques Vendroux que nous la devons. À deux reprises, le directeur des sports de Radio France utilise le qualificatif <i>« ton ami »</i> (10'43) pour parler de Patrice Evra à Rost. Problème, l'artiste explique qu'il ne connaît pas personnellement le footballeur et qu'il ne lui a même jamais parlé. De deux choses l'une donc : ou bien Jacques Vendroux estime que toutes celles et ceux qui ne sont pas d'accord avec lui sont forcément des “amis” d'Evra, ou bien il a décelé un lien particulier entre les deux hommes. Et étant donné que comme tout bon républicain qui se respecte, Vendroux ne-voit-pas-les-couleurs, on ne peut que s'interroger sur la nature de ce lien.</p> <iframe src="https://giphy.com/embed/l4hmWKVDDUpiq355K" width="480" height="270" frameBorder="0" class="giphy-embed" allowFullScreen></iframe> <p><a href="https://giphy.com/gifs/black-men-man-dormtainment-l4hmWKVDDUpiq355K">via GIPHY</a></p> <p>Ce qui est intéressant avec cette réaction, elle aussi régulièrement utilisée pour tenter de décrédibiliser toute dénonciation du racisme, c'est qu'elle repose sur une opposition fallacieuse entre l'universel et le communautaire. Le propos de Rost ne serait pas recevable parce qu'il serait subjectif, motivé par la volonté de défendre les “siens” au détriment des autres. Délicieux, n'est-ce pas ? Cinq hommes blancs autour de la table, une proximité évidente, un refus partagé d'évoquer la question raciale...mais c'est Rost qui apparaîtra, aux yeux du plus grand nombre, comme le "communautariste". Elle est pas belle la vie ?</p> <h3 class="spip"> 3. « <i>Vous parlez avec sincérité et émotion.</i> » </h3> <p>Autre type d'opposition utilisée pour discréditer les propos de ceux qui dénoncent le racisme, celle qui consiste à placer le minoré - en l'occurrence ici le non-blanc - du côté de l'émotion, de l'affect, et à placer la parole dominante du côté de la raison. À plusieurs reprises durant l'émission, Pascal Praud rappellera à Rost<i> « qu'il n'a pas raison »</i> et que sa prise de position a beau être touchante car empreinte de <i>« sincérité et émotion »</i>, elle n'en est pas moins irrecevable.</p> <p><img src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" /> <i>« en l'espèce, vous n'avez pas raison et vous n'en savez rien. Vous allez chercher une explication qui est sans rapport avec les faits. »</i></p> <p><img src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" /> <i>« Je comprends parce que votre histoire n'est pas la même que Jacques Vendroux donc je comprends que vous réagissiez avec sincérité comme Jacques Vendroux ne réagirait pas. Mais c'est pas parce que vous réagissez avec sincérité et émotion que vous avez raison. »</i> (22'14)</p> <p>Pour Pascal Praud, les propos de Rost semblent davantage relever du témoignage, d'une sorte de contribution subjective.<strong> En tant qu'homme noir, Rost ne peut pas avoir une position rationnelle, objective, claire, sur un sujet qui le concerne</strong>. Ce qui place Praud et ses acolytes du côté de la raison. C'est à eux, parce qu'ils sont blancs et donc neutres, d'établir et d'analyser le caractère raciste d'un fait.</p> <p>Notons, une fois encore, l'ironie de la situation : c'est Pascal Praud, l'homme qui a littéralement disjoncté quand Rost a prononcé le mot “raciste”, qui explique à l'artiste qu'il réagit avec “émotion”. Par ailleurs, alors même que Jacques Vendroux a commencé son commentaire de l'affaire Evra en disant <i>« je n'aime pas Patrice Evra, je ne l'aime pas, je ne l'ai jamais aimé de ma vie »</i> (09'50), personne ne lui a reproché sa subjectivité.</p> <p>Chaque détail compte.</p> <h3 class="spip"> 4. « <i>Sois gentil, sois gentil… tu mélanges tout.</i> »</h3> <p>Que serait une discussion sur le racisme sans une dose de paternalisme ? La posture paternaliste - qui, sous ses airs de familiarité bienveillante, est <strong>une posture raciste </strong> - consiste à traiter les non-blancs en grands enfants. Ils ne savent pas vraiment ce qu'ils disent, ni ce qu'ils font, et c'est pour cette raison que leurs paroles et leurs actions doivent être mises sous tutelle, accompagnées, validées, mais aussi prises avec des pincettes. Sur le plateau de CNEWS, ce sont principalement Pascal Praud et Jacques Vendroux qui participent de cette infantilisation de Rost.</p> <p><img src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" /> <i>« Rost, on est plutôt ami ? Bon...je vous aime beaucoup. Est-ce que vous entendez ce que je vous ai dit tout à l'heure ? »</i> (14'56) tente de le raisonner Pascal Praud.</p> <p><img src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" /> <i>« Rost, sois gentil, sois gentil, j'ai beaucoup de respect pour toi, sauf que tu mélanges tout ! Tu mélanges tout ! »</i> lui dit le directeur des sports de Radio France (18'29).</p> <p>Sans surprise, Rost est le seul invité de l'émission à avoir été traité de la sorte. Les prises de parole de tous les autres chroniqueurs ont été respectées, voire encouragées, même quand il s'agissait de marquer un désaccord avec la ligne Praud. À ce titre, il convient de souligner le rôle de ceux que l'on pourrait appeler les “traducteurs”. C'est, dans le cadre d'un débat sur le racisme, la mission que se donnent des “alliés” blancs qui estiment nécessaire d'<strong>expliciter, de reformuler et/ou de traduire, une pensée jugée confus</strong>e. Et ce, qu'ils y aient été invités par leurs interlocuteurs non-blancs ou pas. Évidemment, puisqu'elle est émise par des personnes bénéficiant d'une présomption d'objectivité et de compétences, la “traduction” n'est pas perçue et reçue de la même manière que les propos originaux. Là où la parole de Rost ne pouvait pas être fiable pour toutes les raisons évoquées précédemment, celle de Cyprien Cini (16'12) ou de Julien Pasquet apporte la crédibilité nécessaire. C'est assez intéressant d'ailleurs de voir comment Pascal Praud réagit à leurs interventions alors même qu'ils reconnaissent la validité de la thèse de Rost.</p> <p>Toutes les personnes qui ont un jour entrepris de débattre sur le racisme ont été confrontés à ce type de réactions. Je me rappelle d'une conférence dans laquelle j'intervenais avec un journaliste blanc. Nous avions dressé exactement le même constat, l'avions inscrit dans la même Histoire et avions préconisé les mêmes changements. La seule différence ? J'ai eu le droit aux huées du public et à une bataille de sourcils froncés en guise de désaccord...alors que lui - qui, comble de l'ironie s'était contenté de “traduire” mon propos - a récolté tous les applaudissements. Quelle vie !</p> <div style="width:100%;height:0;padding-bottom:76%;position:relative;"><iframe src="https://giphy.com/embed/Mr74ePg79hyZa" width="100%" height="100%" style="position:absolute" frameBorder="0" class="giphy-embed" allowFullScreen></iframe></div> <p><a href="https://giphy.com/gifs/white-privilege-Mr74ePg79hyZa">via GIPHY</a></p> <h3 class="spip"> 5. « <i>C'est Najat qui le dit.</i> »</h3> <p>Pris au dépourvu par les “traducteurs”, Pascal Praud va chercher du soutien sur...Twitter. Et quelle meilleure défense que l'utilisation d'une caution non-blanche pour lui donner raison ? En général, ce mécanisme de défense s'exprime par des phrases du type “moi, j'ai un ami noir qui dit le contraire” ou alors “mon voisin musulman n'est pas du tout d'accord avec toi”. Le but est simple : discréditer la parole dénonçant le racisme en la présentant comme minoritaire au sein même des “communautés” concernées. En gros, si un non-blanc dit “oui” et qu'un autre non-blanc dit “non”, le propos s'annule.</p> <p>Cela est <strong>facilitée par la négation de l'individualité au coeur des processus de racisation.</strong> Rost n'est pas un individu à part entière, il est le représentant d'un groupe racial. Pour le contrer, il faut donc en appeler à un autre non-blanc qui représentera lui aussi son groupe racial et qui permettra à Pascal Praud de se dédouaner de tout racisme. Observez donc (16'30) la manière dont il utilise et présente le tweet d'une femme nommée Najat pour ce faire.</p> <h3 class="spip"> 6. « <i>Moi quand j'étais petit, on m'appelait le “petit gros”…bah j'en suis pas mort hein, franchement je suis pas traumatisé. </i> » </h3> <p> (28'09)</p> <p>L'analogie trompeuse est l'une des autres techniques d'évitement utilisée par celles et ceux qui veulent minimiser ou occulter la question raciale. Elle est presque toujours centrée sur l'expérience de l'individu qui la développe. <i>« Si j'ai vécu ça et que ça ne m'a rien fait, il n'y a pas raison pour que ce que tu vis te marque. »</i> Au-delà de mettre sur le même plan des situations qui n'ont absolument rien à voir et dont les ressorts historiques, politiques, sociaux, économiques, etc, ne sont pas du tout comparables, ce genre de réaction révèle une <strong>incapacité à se décentrer et à donner du crédit à des expériences qui ne sont pas les nôtres</strong>. Jacques Vendroux ne dit pas autre chose quand il explique à Rost qu'il est le seul à avoir parlé de racisme et que personne autour de la table n'en a parlé (21'09). On se demande bien pourquoi.</p> <iframe src="https://giphy.com/embed/3o7buiIisL0s6gpzFe" width="480" height="270" frameBorder="0" class="giphy-embed" allowFullScreen></iframe> <p><a href="https://giphy.com/gifs/iamrachelcrow-rachel-crow-3o7buiIisL0s6gpzFe">via GIPHY</a></p> <h3 class="spip"> 7. <i>« C'est tout sauf un martyr de la société. Faut arrêter de le faire passer pour une victime. »</i> </h3> <p>Il était temps qu'elle fasse son entrée (20'50). Tadaaaaam : la rhétorique de la “victimisation”. C'est simple, à chaque fois que des minorisés osent dénoncer publiquement des expériences discriminatoires, et plus largement des systèmes de domination, ils sont renvoyés à une prétendue posture “victimaire”. L'objectif de silenciation et d'occultation du racisme comme fait social est ici manifeste. <strong>On voudrait que les non-blancs acceptent leur condition en silence, sans perturber les bénéficiaires du système raciste.</strong></p> <p>Ce qu'il y a d'ingénieux avec cette logique de “victimisation” c'est qu'en se nourrissant et en alimentant le sentiment de culpabilité des non-blancs, elle a réussi à s'imposer comme le repoussoir absolu. Personne ne veut être une victime, et si la preuve du “courage” doit passer par l'acceptation de la violence raciste, notamment dans ses formes les plus pernicieuses, alors ainsi soit-il. Autant dire que c'est un piège dont le seul but est le maintien d'un système de privilèges bénéficiant à la population majoritaire. Il s'agit de déplacer le débat sur le comportement et l'état d'esprit des dominés tout en invisibilisant les réalités et en tentant de museler les voix contestataires.</p> <p>Si cette rhétorique prend autant, c'est qu'elle entretient la confusion entre l'analyse des impacts du racisme et les mécanismes de résistance mis en oeuvre par les non-blancs. En d'autres termes, évidemment que les non-blancs sont victimes du système raciste. Ce n'est pas se “victimiser” que de le dire, c'est poser les bases d'un constat objectif des conséquences sociales, économiques, politiques et psychologiques du racisme.<strong> Le racisme exclut, spolie, use, abuse, détruit, et tue</strong> ; par quel incroyable tour de magie pourrait-il ne pas faire de victimes ? Cela étant posé, lutter contre ce rapport social de domination, c'est tout mais alors tout sauf s'inscrire dans une logique victimaire. D'où la détermination et l'énergie déployées par les dominants pour faire taire ces voix.</p> <p>Ce qui est marrant, dans cette séquence comme dans presque toutes les discussions sur le racisme, c'est qu'arrive toujours un moment où s'opère un subtil renversement de situation. Si les victimes du racisme sont enjointes au silence, à l'endurance, et que le droit à la “victimisation” leur est dénié, <strong>la fragilité des bénéficiaires du système raciste doit, elle, être prise en compte et respectée</strong>. Deux passages reflètent parfaitement bien cette asymétrie :</p> <p><img src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" /> 22'25 : Rost fait remarquer à Pascal Praud que le débat s'est envenimé quand il l'a “agressé”. Réponse de l'intéressé : <i>« Ah non ! Ah Rost, ne dites pas ça ! Ah non ! Ah Rost, ne dites pas que je vous agresse... »</i>, épaulé par Jacques Vendroux qui ajoute <i>« ah non, faut pas dire ça »</i>. Bah non, faut pas dire ça. C'est pourtant simple : eux ont le droit de dire ce qu'ils veulent et il faut l'accepter mais ce n'est pas réciproque.</p> <p><img src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" /> 35'59 : Rost indique qu'il n'aime pas "la malhonnêteté intellectuelle". Pascal Praud lui rétorque alors "Ah non ! Ne me faites pas ce procès-là, vous êtes gonflé !" LOL.</p> <p><img src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" /> 36'21 : alors même que personne autour de la table n'a porté une telle accusation, Jacques Vendroux - visiblement agacé - lance à Rost <i>« c'est tout juste si tu ne nous as pas traités de racistes... »</i> ; Pascal Praud plussoie<i> « c'est pas tout à fait faux ce que dit Jacques Vendroux hein... »</i>, puis le directeur des sports de Radio France de renchérir (41'38), non sans une certaine émotion, <i>« ma mère, qui a essayé de me donner une éducation à peu près correcte, vient d'apprendre par l'intermédiaire d'une télévision que je suis raciste ! Non mais vous vous rendez compte ? » </i> Pauvres petits bichons !</p> <p>Mais rassurez-vous, grâce aux bons mots de son ami Fabien Onteniente, Jacques Vendroux a vite retrouvé le sourire ! Bah oui, quoi de mieux qu'une blague pour oublier ses peines ! À la 42e minute, le réalisateur de <i>Camping</i> invite ainsi Vendroux à se <i>« faire la même coupe de cheveux »</i> pour rendre hommage à Rost et apaiser les tensions. Rires des intéressés.</p> <p>Il y aurait encore tant à dire sur la violence de cet épisode, sur le dispositif médiatique qui l'a favorisée et sur le rôle de ces journalistes qui, à l'instar de Pascal Praud, agissent comme les chiens de garde du système. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de la spécifité du traitement médiatique réservé aux non-blancs et des stratégies d'évitement systématiquement mises en place pour éviter les débats sur le racisme.</p></div> Militer : une activité safe ? Pour une critique politique de la notion d'espace safe https://contre-attaques.org/magazine/article/militer-une https://contre-attaques.org/magazine/article/militer-une 2017-11-01T15:32:22Z text/html fr Fania Noël Tribunes carousel Militantisme <p>Dans les milieux militants, le concept d'espace safe suscite de plus en plus d'intérêt...et de critiques. Nous publions ici une première tribune sur le sujet, proposée par la militante afroféministe Fania Noël.<br class='autobr' /> Être une activiste afroféministe s'inscrivant dans l'anticapitalisme est un exercice à double emploi, notamment en matière de pratiques militantes. Il s'agit d'une part, de défendre ses activités contre les attaques réactionnaires teintées de mépris et de l'autre, de continuer à développer des (...)</p> - <a href="https://contre-attaques.org/magazine/" rel="directory">Magazine</a> / <a href="https://contre-attaques.org/mot/tribunes" rel="tag">Tribunes</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/carousel" rel="tag">carousel</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/militantisme" rel="tag">Militantisme</a> <img class='spip_logos' alt="" align="right" src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L150xH83/arton402-23e89.jpg" width='150' height='83' /> <div class='rss_chapo'><p>Dans les milieux militants, le concept d'espace <i>safe</i> suscite de plus en plus d'intérêt...et de critiques. Nous publions ici une première tribune sur le sujet, proposée par la militante afroféministe Fania Noël.</p></div> <div class='rss_texte'><p>Être une activiste afroféministe s'inscrivant dans l'anticapitalisme est un exercice à double emploi, notamment en matière de pratiques militantes. Il s'agit d'une part, de défendre ses activités contre les attaques réactionnaires teintées de mépris et de l'autre, de continuer à développer des critiques constructives pour faire avancer nos luttes.<br class='autobr' />La notion d'espace “safe” ne peut échapper à ces critiques.</p> <p>Un espace <i>safe</i>, ou espace sécuritaire en bon français, vise à l'élimination de la violence dans les interactions entre les membres ; notamment ceux appartenant à des groupes sociaux marginalisés dans la société. Mais est-ce vraiment possible ?</p> <p>La violence règne sans ambiguïté, et de manière hégémonique, partout dans la société. Les groupes Facebook, forums ou espaces se définissant ou se voulant “safe”, même avec toutes les dérives libérales, ne peuvent ainsi pas retirer un “droit” à des personnes ayant des propos violents ou oppressifs. Ces derniers vont pouvoir continuer à les exprimer, les entendre, les lire et les partager en ligne, au travail, dans l'institution scolaire, dans les médias, le gouvernement, ou dans la rue.</p> <h3 class="spip">Ne pas confondre espace affinitaire et militantisme</h3> <p>Deux choses sont souvent confondues : les espaces de partage d'intérêt politique et le militantisme. Mon analyse va paraître assez tranchée pour certain·e·s, mais l'honnêteté intellectuelle force à reconnaître que l'engagement dans certaines pratiques ou styles de vie, ne suffit pas à transformer en militant-e-s. L'exemple le plus parlant et le plus répandu est celui des groupes dits informels affinitaires basés sur la politisation, légions sur internet. Ces groupes n'ont d'“informels” que l'intention de départ, car en réalité des règles implicites très fortes régissent ces groupes : le vocabulaire à utiliser, les personnes qui y sont le plus influentes, les antécédents que certaines personnes peuvent avoir avec d'autres, etc. Les interactions avec des individus partageant une même analyse peut laisser croire à une pratique radicale alors qu'il n'y en réalité aucune action de transformation de l'ordre social.</p> <p>Dans ces espaces virtuels de partage d'intérêt politique, le “safe” mène à des performances de distinction au mieux irritantes, au pire de dépolitisation et d'immobilisme. L'accès à ces espaces se fait par cooptation, ce qui en soi n'est pas un problème, la politique fonctionnant beaucoup par affinités. Le problème réside dans l'incertitude de l'identité réelle derrière la personne virtuelle. La libre et subjective interprétation des règles du “safe” pose également question. “TW<span class="spip_note_ref"> [<a href='#nb1' class='spip_note' rel='footnote' title='Trigger Warning, mots anglais faisant office d'avertissement quant au (...)' id='nh1'>1</a>]</span>”, interdiction d'utiliser certains termes, de relayer certains contenus…quels choix ? quelles limites ? Être en sécurité est une notion extrêmement personnelle. Dans la plupart de ces groupes, les violences de classes passent, par exemple, comme des lettres à la poste.</p> <h3 class="spip">Le militantisme est indissociable des collectifs et organisations politiques militantes</h3> <p>Évoluer dans ces espaces virtuels et militer dans des organisations politiques sont deux choses complètement différentes, pas forcément contradictoires ou exclusives, mais différentes. Définissons les collectifs et organisations politiques militantes comme des structures qui sont soit ancrées localement soit construites thématiquement, avec un agenda, des modalités d'actions et une ligne politique.</p> <p>Le reproche le plus courant qui est fait à ces formes de militantisme c'est qu'elles peuvent exclure des personnes pour des raisons de temps, d'éloignement géographique des centres de mobilisation, de disponibilité mentale ou d'accessibilité, sous toutes ses formes. Dans les faits, ces mêmes questions se posent pour les groupes en ligne qui fonctionnent par cooptation, avec leurs propres jargons, souvent des personnes de même âge, où la maîtrise de l'écrit et des codes des réseaux sociaux est indispensable, etc…</p> <p>Mais il me semble qu'il est beaucoup plus pertinent de travailler à la transformation des groupes militants “réels” : aménager les heures et lieux de réunion, le tractage, demander un investissement à hauteur de la disponibilité par exemple. Le développement des technologies permet désormais d'avoir l'implication de membres éloignés géographiquement sur un même support d'organisation d'action.</p> <h3 class="spip">Échapper temporairement à la violence ne suffit pas : il faut s'organiser pour la combattre</h3> <p>Penser l'espace safe est une part importante de la légitimation des groupes luttant contre des oppressions, quelles qu'elles soient d'ailleurs. En plus des attentes en termes de luttes contre les violences systémiques et institutionnelles, la question du safe dans la construction de ces espaces revient souvent, répondant aux besoins de membres qui sont - pour la plupart - passés par d'autres organisations et qui ont dû faire face à la reproduction de mécanismes de domination en interne. La détermination dont font preuve certaines organisations militantes dans leur refus de confronter politiquement les violences racistes, hétéro-patriarcales ou classistes internes ; les injonctions aux “don't ask, don't tell” qu'il faut comprendre ainsi “on veut bien de vos forces pour travailler à la mobilisation, faire les petites mains mais en cas de problème, débrouillez-vous”, en plus de refuser la politisation de certaines questions considérées comme minoritaires, ne font que renforcer l'individualisation des questions de violence et poussent littéralement certain-e-s militant-e-s vers la sortie. Comment des collectifs qui sont censés engager un combat qui demande le recrutement, des débats internes et aussi externes, peuvent s'engager à être de tout temps, en tout lieu, un espace safe ? Les mots de bell hooks permettent un rappel salutaire quant à l'objectif d'un mouvement politique.</p> <p><i>« Souvent, l'approche liée à l'identité et au style de vie est séduisante car elle crée l'impression d'être engagée dans une pratique. Cependant, au sein de n'importe quel mouvement politique qui vise à transformer radicalement la société, la pratique ne peut pas uniquement se résumer à créer des espaces au sein desquels des personnes supposées radicales expérimenteraient la sécurité et le soutien. Le mouvement féministe pour mettre fin à l'oppression sexiste engage activement ses participantEs dans un combat révolutionnaire. Et un combat, c'est rarement safe et agréable<span class="spip_note_ref"> [<a href='#nb2' class='spip_note' rel='footnote' title='bell hooks, dans "Ne suis-je pas une femme", aux éd. Broché.' id='nh2'>2</a>]</span>. » </i></p> <p>La mise en pratique du concept du safe dans son acception libérale n'est pas gage de défense politique des personnes les plus marginalisées mais de performance de comportement. Ces performances passent par l'utilisation de lexiques qui sont en conformité avec les critères du safe définis par chaque groupe. On assiste ainsi à la constitution d'espaces extrêmement individualisants dont toute l'énergie passe dans le maintien de cette “sécurité” et où quelques chanceux parviennent à créer des liens mais sans forcément produire d'effet sur les luttes. Dans ces espaces, chacun est renvoyé à sa propre démarche d'être safe pour les autres : le discours militant prônant le changement de système est substitué par un discours sur la construction d'îlots d'individualités qui interagissent. On passe du collectif à l'individuel, du macro au micro. Dans le système de l'espace safe, la personne contrevenante est d'ailleurs renvoyée à l'extérieur, “le non safe”.</p> <p>Le manque de ressources humaines et financières rend très difficile, pour les organisations/collectifs, la création de structures viables et pérennes permettant d'offrir des espaces de soutien, de solidarité et/ou de parole, et de répondre aux besoins immédiats et quotidiens de leurs militants ou usagers. Les espaces <i>safe</i> sont donc importants, et c'est parce qu'ils sont importants qu'ils doivent être à la hauteur. Une critique de la pratique est indispensable pour qu'on puisse l'améliorer et la transformer. Or, la pratique seule de l'espace <i>safe</i> comme horizon politique ne permet pas d'apporter une résolution politique des conflits, condition essentielle pour construire des espaces militants durables et donner l'occasion aux mouvements de libération de proposer des modes d'organisation pensant les altercations internes, leur résolution et la justice transformatrice.</p> <p>Il faut que l'on soit capable de lutter contre les violences dans nos organisations mais aussi dans la société, et vice versa. Contre cette violence sociale, l'enseignement et la pratique de l'autodéfense collective, physique et intellectuelle sont indispensables. Pour ce faire, il nous faut miser sur la formation, la transmission des savoirs et des pratiques, mais aussi sur leur réinvention et adaptation.</p></div> <hr /> <div class='rss_notes'><div id='nb1'> <p><span class="spip_note_ref">[<a href='#nh1' class='spip_note' title='Notes 1' rev='footnote'>1</a>] </span>Trigger Warning, mots anglais faisant office d'avertissement quant au caractère choquant, dérangeant, problématique d'une image ou d'un texte.</p> </div><div id='nb2'> <p><span class="spip_note_ref">[<a href='#nh2' class='spip_note' title='Notes 2' rev='footnote'>2</a>] </span>bell hooks, dans « Ne suis-je pas une femme », aux éd. Broché.</p> </div></div> Pourquoi nous avons refusé de participer à Complément d'enquête https://contre-attaques.org/magazine/article/pourquoi-nous https://contre-attaques.org/magazine/article/pourquoi-nous 2017-10-05T18:36:35Z text/html fr Tribune collective Médias carousel Tribunes <p>Ce jeudi 5 octobre 2017, à 23h00, France 2 diffusera un Complément d'enquête dédié aux "nouveaux racistes". Plusieurs personnalités et organisations de l'antiracisme politique ont refusé d'y participer et s'en expliquent dans une tribune que nous publions ici.<br class='autobr' /> Militants, journalistes, universitaires ou représentants d'organisations affiliées de près ou de loin à l'antiracisme politique, nous avons - pour certains d'entre nous - été récemment contactés par un journaliste de “Complément d'enquête” qui (...)</p> - <a href="https://contre-attaques.org/magazine/" rel="directory">Magazine</a> / <a href="https://contre-attaques.org/mot/medias" rel="tag">Médias</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/carousel" rel="tag">carousel</a>, <a href="https://contre-attaques.org/mot/tribunes" rel="tag">Tribunes</a> <img class='spip_logos' alt="" align="right" src="https://contre-attaques.org/local/cache-vignettes/L150xH82/arton401-a77d1.png" width='150' height='82' /> <div class='rss_chapo'><p>Ce jeudi 5 octobre 2017, à 23h00, France 2 diffusera un Complément d'enquête dédié aux « nouveaux racistes ». Plusieurs personnalités et organisations de l'antiracisme politique ont refusé d'y participer et s'en expliquent dans une tribune que nous publions ici.</p></div> <div class='rss_texte'><p>Militants, journalistes, universitaires ou représentants d'organisations affiliées de près ou de loin à l'antiracisme politique, nous avons - pour certains d'entre nous - été récemment contactés par un journaliste de “Complément d'enquête” qui préparait un reportage sur les nouvelles formes de militantisme contre le racisme et les clivages les opposant aux associations traditionnelles. Refroidis par les expériences précédentes, nous avons décidé de décliner collectivement et de nous en expliquer. Car si <strong>notre refus a obligé la chaîne à changer d'angle et à aborder cette question d'un autre point de vue</strong>, les écueils que nous avons voulu dénoncer par ce boycott sont récurrents et problématiques.</p> <p>De fait, nous sommes régulièrement contactés par des journalistes. Souvent pour présenter notre travail, parfois pour d'autres raisons. Au fil des années, nous avons eu le temps d'apprendre et de comprendre, parfois à nos dépens, que nos luttes avaient aussi lieu dans les médias, parfois au sein même des rédactions : des journalistes se battent pour pouvoir traiter d'un sujet, d'autres pour faire entendre des voix qui resteraient autrement réduites au silence, d'autres encore, à l'inverse, pour faire avancer un agenda idéologique peu avouable. En ce sens, les médias ne sont pas isolés du reste de la société, ni dans un non-lieu idéologique qui leur garantirait une objectivité distanciée. Ils font partie du même espace social et politique que nous, traversés d'opinions et de rapports de force, y compris sur nos sujets de travail, à savoir la mise en évidence des dynamiques structurelles et institutionnelles des types de racisme contemporains et le développement de processus d'émancipation et d'organisation dignes et autonomes.</p> <p>Ce travail, nous le partageons à longueur d'année, de conférences en ateliers, d'articles en présentations, de temps informels en interviews au long cours, avec la même patience, la même pédagogie et une capacité à se décentrer pour entrevoir ce que d'autres que nous vivent, acquise non pas par choix spontané, mais parce que nous avons nous-mêmes vécu et été témoins des injustices que trop d'entre nous vivent, le plus souvent dans l'indifférence générale. <strong>Le racisme n'est pas pour nous un sujet d'article ou de reportage. Il est l'expérience de nos vies.</strong></p> <p>Par conséquent, son évocation et son traitement sont marqués par une profonde asymétrie.</p> <p>D'autres le produisent, quand nous le subissons. D'autres en alimentent les causes, quand nous en payons les conséquences. D'autres construisent ce problème, quand nous lui cherchons des solutions. D'autres en bénéficient, quand nous le combattons. <strong>Mais c'est toujours à nous de nous justifier, toujours à nous de nous expliquer.</strong> <a href="http://www.francetvinfo.fr/france/video-racisme-en-politique-la-colere-de-christiane-taubira-dans-complement-d-enquete_2404224.html" class='spip_out' rel='external'>La séquence avec Christiane Taubira</a>, qui sera diffusée ce soir, en est un triste exemple.</p> <p>En définitive, d'autres en parlent comme d'un sujet de conversation, quand nous agissons de manière décisive par simple réflexe vital : celui d'éviter à nos enfants et à ceux qui nous suivent de vivre les mêmes épreuves et les mêmes injustices qui marquent notre temps.</p> <p>Par conséquent, deux personnes peuvent vivre dans la même société en se situant à des points, d'expérience et de vue, radicalement différents. <strong>Être journaliste, c'est aussi être capable de comprendre cela.</strong></p> <p>Pourtant, il s'en trouve toujours pour attendre de nous qu'on se plie à leur agenda, comme des prestataires de service pour le divertissement de leur audience, puis pour s'indigner de notre refus, si circonstancié et courtois qu'il fût, de participer à la farce du réel qui nous est proposée.</p> <p>Combien de fois avons-nous entendu des journalistes nous jurer qu'ils étaient <i>« de notre côté »</i>, <i>« intègres et bienveillants »</i>, désireux de <i>« dire la vérité »</i>, pensant <i>« qu'on est injustement critiqués »</i> par une partie de la classe politique, et s'engageant évidemment <i>« à ne pas trahir notre propos »</i>.</p> <p>Problème : ce type de discours est, au mot près, le même que celui de tous les journalistes qui commencent leur démarche comme des reporters du réel pour finir par signer un reportage à charge, affligeant de raccourcis et d'erreurs factuelles, comme seule la télévision spectacle sait en produire depuis plus d'une génération. De Zone Interdite à Enquête Exclusive, en passant par l'infâme Dossier Tabou, on ne compte plus le nombre de journalistes dont l'œuvre s'est résumée, de leur propre fait ou par intervention de leur hiérarchie, à <strong>une litanie de stéréotypes sur les Noirs, les Arabes, les Roms, les Asiatiques, les musulmans et les quartiers populaires.</strong></p> <p>L'éducation étant répétition, il se trouve que notre savoir est devenu suffisamment conséquent pour être précautionneux dans le choix de nos participations médiatiques.</p> <p>Et pour cause : chacun d'entre nous a eu un jour maille à partir avec un journaliste « intègre et bienveillant », cherchant « juste à comprendre » le fonctionnement de notre organisation ou le sens de notre démarche intellectuelle, militante, politique et/ou journalistique. Résultat ? Des montages fallacieux, des approximations grossières, des choix éditoriaux plus que contestables et une essentialisation manifeste. La plupart de nos noms ou de nos activités ont ainsi été “salis” par un dispositif médiatique qui ne nous laisse quasiment aucune chance. Comment oublier qu'il y a près d'un an, c'est ce même “Complément d'enquête” qui nous proposait une émission à charge contre le CCIF ?<br class='autobr' />Et si leurs partis pris, <a href="http://www.liberation.fr/desintox/2016/10/07/si-france-2-le-ccif-a-bien-un-statut-consultatif-aupres-du-conseil-economique-et-social-de-l-onu_1520302" class='spip_out' rel='external'>leur médiocrité et leurs erreurs ont été pointés du doigt</a> - conduisant même à la suppression du reportage sur le site et dans le replay -, <strong>nous connaissons les impacts de ce type de sujet</strong>.</p> <p>Par conséquent, nous ne voyons aucune raison objective de changer de position ni de dédier un temps précieux à des objectifs autres que ceux dont nous avons la responsabilité. Nous continuerons bien sûr de répondre aux sollicitations des médias lorsque nous le jugerons pertinent et cohérent avec nos projets, mais <strong>nous ne servirons pas de caution à un énième reportage à sensation sur des problématiques qui méritent tellement mieux. Tellement, tellement mieux.</strong></p> <p><strong>Sihame Assbague</strong>, journaliste et militante<br class='autobr' /><strong>Saïd Bouamama</strong>, sociologue, membre du Front Uni de l'Immigration et des Quartiers Populaires<br class='autobr' /><strong>Houria Bouteldja</strong>, membre du Parti des Indigènes de la République<br class='autobr' /><strong>Ismahane Chouder</strong>, membre de Participation et Spiritualité Musulmanes<br class='autobr' /><strong>Nacira Guénif</strong>, professeure, Université Paris 8<br class='autobr' /><strong>Marwan Muhammad</strong>, auteur et statisticien<br class='autobr' /><strong>Fania Noël</strong>, militante afroféministe<br class='autobr' /><strong>Omar Slaouti</strong>, militant quartiers populaires<br class='autobr' /><strong>Maboula Soumahoro</strong>, maître de conférences, présidente du Black History Month.<br class='autobr' /><strong>Françoise Vergès</strong>, politologue, auteure</p> <p><strong>Camp d'été décolonial<br class='autobr' />Lallab<br class='autobr' />Mwasi</strong></p></div>